Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’industrie des transports maritimes est presque entièrement absorbée par le service public. On sera amené à imposer un régime analogue à d’autres industries, comme celle des mines. L’Etat, prenant la haute main sur leur effort de production, qui conditionne les opérations de ses armées, en fait en quelque sorte un prolongement de ses services militaires. Aussi voyons-nous déjà les coups des sous-marins allemands ne plus distinguer entre bateaux de guerre et bateaux de commerce. Et la destruction des mines et des usines fait visiblement partie intégrante de la stratégie nouvelle, pour laquelle elle devient un but. On vise partout à détruire les récoltes ou à razzier les provisions des contrées envahies. Ainsi les paisibles occupations du commerce et de l’industrie sont volontairement arrachées à la sphère des intérêts privés que respectait autrefois la guerre, pour être jetées avec les biens et les personnes dans la tourmente dévastatrice.

Tout entretient la confusion. Il n’y a plus rien de strictement privé. Comme il faut nourrir les armées et la population civile, les vêtir, les chauffer, les soigner, les abriter, toutes les sources de production, les unes après les autres, entrent dans le domaine national. Pour pouvoir soutenir plus longtemps que l’adversaire le poids de la lutte, il importe de conserver un certain nombre de marins pêcheurs, d’éleveurs de bétail, de cultivateurs, etc. Il faudrait donc que les rôles fussent d’avance exactement distribués, chacun ayant sa tâche et sa consigne dans tous les métiers essentiels comme dans l’armée mobilisée[1]. Le jour où l’un des pays en conflit aura fait l’effort d’organiser ainsi complètement l’aménagement de ses ressources humaines, il en tirera une telle capacité de résistance que ses rivaux devront l’imiter, sous peine d’infériorité mortelle.

La même nécessité a pour conséquence un régime nouveau du matériel, tant matériel d’outillage que matières premières. La réquisition, avec mobilisation, des voitures, des chevaux, des automobiles, des aéroplanes sera doublée d’une réquisition

  1. Le général allemand commandant la région de la Westphalie et du Rhin inférieur a invité les établissemens où l’on travaille pour l’armée à se conformer aux deux règles suivantes : Il est interdit 1° de donner du travail à tout ouvrier qui aura quitté son patron pour gagner davantage ; 2° de proposer un emploi à des ouvriers occupés dans un autre des établissemens visés.