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que la raison la plus sévère et la plus captieuse peut ébranler parfois, mais non pas détruire… » Enfin, dans un moment où, malade à Vincennes, il se croyait menacé d’une fin prématurée, Mirabeau écrivait dans une lettre qui avait un caractère testamentaire : « Dieu ! ô Dieu puissant, si j’ai nié la Providence, c’était pour n’être pas tenté de te croire complice des méchans ! Tu sais si j’étais de bonne foi ? Ta créature n’a pu t’offenser. Pourrais-tu t’irriter contre elle et la punir de la faiblesse de son entendement ! »

Je pourrais faire d’autres citations, mais celles-ci suffisent, je crois, pour démontrer que si Mirabeau n’avait en matière religieuse que des aperçus ou des sentimens vagues et superficiels, il n’en était pas moins un déiste convaincu. Il avait horreur du néant. Il confiait à l’avenir le soin de sa mémoire, ainsi que le prouve un de ses derniers écrits. Il aimait à citer la dédicace d’Eschyle : « Au Tempsv » et il disait : « Je serai moissonné jeune et bientôt. Le Temps répondra pour moi, car j’écris et j’écrirai pour le Temps, et non pour les partis. » Ces paroles semblent bien justifier le sermon qu’il a composé en 1782 sur « la nécessité d’une autre vie. »


HENRI WELSCHINGER.