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REMBRANDT ET SPINOZA


I

Le 26 juillet 1656, Spinoza était exilé d’Amsterdam par un arrêt du Magistrat, à la demande des Rabbins qui l’avaient excommunié la veille. Le même jour, Rembrandt assistait, atterré, à la saisie de ses collections et de ses meubles, ordonnée, aussi dès la veille, par les mêmes autorités.

Si l’on rapproche de ces faits capitaux toutes les précisions secondaires qui, dans l’histoire des deux plus grands génies de la Hollande, peuvent les associer plus intimement, on est conduit à reconnaître qu’un lien étroit devait exister entre eux, avant cette journée fatale, qui demeurera l’opprobre du Magistrat d’Amsterdam.

De ce lien, bien des fils épars ont été retrouvés, puis rassemblés et renoués, et ils m’ont conduit devant une œuvre du Maître des Syndics et des Pèlerins d’Emmaüs, qui apparaît alors comme une protestation véhémente contre la persécution subie par Spinoza, et semble bien la mise au pilori de son dénonciateur.

Ce tableau de Rembrandt a pour titre David et Saül. Il est daté de 1657. Il figure au musée royal de La Haye à titre de prêt de son possesseur, l’éminent docteur Brédius, à qui les amateurs d’art sont redevables de tant d’heureuses trouvailles dans les archives du XVIIe siècle hollandais.

Le roi Saül, qui se voile à demi la face avec sa main gauche empoignant un rideau, s’apprête à frapper de sa lance le jeune David, touchant de la harpe à ses pieds. Le type olivâtre du jeune homme, aux cheveux noirs bouclés ; l’ovale allongé de son visage ; l’âge apparent de ce modèle extraordinaire pour un