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exigeaient le rappel de la flotte de guerre immobilisée devant Dantzig, alors qu’elle eût été si nécessaire pour protéger l’immense flotte de commerce impunément molestée par les Dunkerquois et les Barbaresques. Il était en outre l’une des hautes personnalités de ces États de Hollande qui voulurent brider les Cartésiens.

Il y avait bien, il est vrai, un autre créancier, le marchand Isaacq van Hersbecq, qui n’était rien dans les affaires publiques ; on verra que son rôle est plutôt effacé ; d’ailleurs sa créance fut annulée plus tard par les États, en 1665, en faveur de Titus.

Mais on voit manœuvrer un certain Geerbrandt Ornia, qui n’est que l’homme de paille de Joan Six, lequel lui avait tout récemment passé une créance de mille florins empruntés par l’artiste, trois ans auparavant, sous la caution de son ami Van Ludick. Il ne fait donc plus du tout figure de protecteur du Maître dans cette affaire, bien au contraire ; car, non seulement il aurait dû lui conserver son crédit, mais avec son beau-père le riche médecin, chirurgien, apothicaire et armateur Nicolaës Tulp, alors bourgmestre, avec Arnold Tholinx et Isaac Francx, tous deux ses collègues aux Conseils du Stadhuis, il aurait pu non seulement arrêter ses embarras financiers, mais ruiner la coalition judiciaire organisée contre lui, en refusant d’y laisser entrer son recors, ce Geerbrandt Ornia, qui dénonce aujourd’hui Joan Six, comme l’un des organisateurs de la ruine du Maître.

Il se joignait d’ailleurs à Hiskia Van Uylenburch, la propre sœur de Saskia, à qui Rembrandt ne devait rien, mais qui réclamait des garanties pour une clause éventuelle du testament de la femme du peintre. Celui-ci aurait pu être tenu de lui verser une certaine somme, dans le cas où son fils Titus décéderait avant sa majorité ! Enfin, il y avait ce charpentier de la flotte, Gerrit Pieter Dircks, qu’on avait lancé contre Rembrandt et qui lui réclamait maintenant des dommages énormes pour son arrestation.

Pourtant l’incarcération du charpentier n’avait pu être exécutée qu’en vertu d’un arrêt du Magistrat ! Il apparaît donc un évident parti pris contre le maître, dans l’invraisemblable facilité avec laquelle la Chambre des Insolvables accueillit, comme bien fondées, les réclamations manifestement insoutenables d’Hiskia et du charpentier.