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instruit sur l’inutilité de légiférer contre les cartésiens ; mais il semble faire remonter à la seule Synagogue les responsabilités de son exil.

Par un juste retour des choses, les « très hautes et très illustres autorités » d’Amsterdam qui se détournèrent de Rembrandt en 1656 et qui organisèrent sa ruine, ou la laissèrent consommer en s’y associant plus ou moins ouvertement, ne doivent aujourd’hui leur notoriété qu’au rayonnement de la gloire du Maître qui les éclaire d’un jour assez peu flatteur.

Une légende, habilement accréditée, a même fait de Nicolaes Tulp et de Joan Six d’ardens et constans protecteurs de Rembrandt ; le premier le fut sans doute au début de sa carrière, mais il ne sut pas le demeurer dans son adversité.

Seule la figure de Ménassé-ben-Israël, qui fut le fidèle ami de Spinoza et de Rembrandt, demeure sympathique et comme illuminée par son rêve d’union, de tolérance et de foi.

Que pèseraient aujourd’hui devant l’histoire le bourgmestre, le conseiller d’Etat, le plénipotentiaire Nicolaes Tulp, le poète et bourgmestre Joan Six, Cornélis Vitsen, le chef de l’Amirauté, qui ne pouvaient se compromettre avec Rembrandt dont ils organisèrent la débâcle et la légende ?

Que seraient les figures d’Aboad et de Saül Lévi Morteira, si ces fougueux rabbins n’avaient gravité dans l’orbe d’un obscur tailleur de verres d’optique, dont le génie passa inaperçu durant sa vie en Hollande et qui s’égala aux plus hauts penseurs de tous les temps ?


ANDRE-CHARLES COPPIER.