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problématiques que l’Allemagne pouvait invoquer sur le Maroc avec les avantages immédiats et surtout les riches perspectives d’avenir qu’elle s’était fait octroyer à l’Est du Kameroun.

« Le but véritable, dit-il dans une brochure récente, le but que nous poursuivions dans l’acquisition du nouveau Kameroun ne pouvait guère être dévoilé que très discrètement avant la guerre. Maintenant, il en va tout autrement : il n’y a pas de censure à observer sur tout ce qui a précédé la guerre et nous pouvons donc en parler ouvertement. Des négociations relatives à ce nouveau Kameroun, vous vous rappelez que deux singulières protubérances ou cornes s’étendaient de nos nouveaux domaines jusqu’au territoire du Congo belge. Ces protubérances jouent un grand rôle dans toute l’affaire d’échange, car c’est par elles que nous pouvions atteindre le réseau navigable du Congo et prendre directement contact avec le Congo belge. La France possédait de tout temps un droit de préemption sur l’ancien État indépendant du Congo, devenu plus tard colonie belge. Dans le traité Maroc-Congo, elle a renoncé à ce droit d’une manière sinon explicite, du moins pratiquement efficace.

« Ce point de l’accord a été beaucoup trop peu pris en considération à l’époque ; or, c’était précisément une chose capitale que la France renonçât à son droit de préemption et permît aux frontières du Kameroun allemand d’atteindre sur deux points le Congo proprement dit. » Et M. Rohrbach rappelle l’opposition témoignée à plusieurs reprises en Belgique à l’annexion de l’État du Congo, les avances plus ou moins dissimulées faites par l’Allemagne pour le rachat de cette colonie, ainsi que les négociations beaucoup plus avancées engagées pour l’acquisition de l’Angola au Portugal. Si, pour l’achat du Congo, l’on en était resté à des « ballons d’essai » dans la presse, il paraîtrait que pour l’Angola les négociations avaient été poussées beaucoup plus avant, tant avec l’Angleterre qu’avec le Portugal lui-même : « Peu avant la guerre, on s’était mis d’accord ; il ne s’agissait plus guère que des signatures et, tant du côté allemand que du côté anglais, il n’y avait pas de doute que ces signatures ne dussent être échangées à bref délai… Ce n’était plus dès lors qu’une question de temps de décider ensuite le Portugal, toujours à court d’argent, et paralysé par ses troubles politiques… On ne projetait naturellement pas d’enlever l’Angola aux Portugais, mais l’on se serait contenté d’y posséder certains