répit qui nous est accordé, profitons-en. Les diplomates et les journaux font des systèmes : que les soldats fassent des tranchées. Nul ne peut prévoir avec certitude quelles chances l’avenir nous réserve. On dit une grande vérité quand on assure, que notre préoccupation principale, — et de beaucoup ! — doit être pour notre frontière du Nord-Est et que nous devons la tenir toujours en bon état ; mais quand on ajoute que la guerre y trouvera nécessairement sa décision, on affirme une chose dont personne ne peut être sûr.
La décision de la guerre sera là où l’Allemagne éprouvera pour la première fois un échec caractérisé, que ce soit sur notre front, ou sur le front russe, ou dans les Balkans, ou en Syrie, ou en Égypte. Napoléon, lui aussi, avait déjà étendu démesurément sa ligne d’opération lorsqu’un de ses lieutenans a été obligé de capituler à Baylen : on a vu alors que le colosse n’était pas inébranlable. Qui aurait pu se douter la veille de l’événement que cette immense chute devait commencer dans ce coin perdu de l’Espagne ? Depuis, Wellington a arrêté le flot de la Grande Armée, devant les lignes de Torrès-Védras. Le gouvernement anglais lui criait que sa résistance était inutile, insensée, et lui conseillait de s’embarquer au plus vite sans attendre d’être jeté à la mer. Il a tenu bon et il est parti de là pour suivre Napoléon jusqu’à Waterloo où il l’a finalement abattu. Qui aurait pu annoncer, dans ces jours incertains, où était, où serait la véritable décision d’une guerre qui, comme aujourd’hui, couvrait toute l’Europe ? Nous ne cesserons pas de répéter, avec sir Edward Grey dans un de ses bons jours, que tous les champs de bataille sont solidaires les uns des autres, ce qui veut dire que, tout en munissant chacun d’eux, suivant son degré d’importance probable, il ne faut en négliger aucun. Aussi avons-nous appris avec satisfaction que le général de Castelnau avait été envoyé en mission à Salonique, pour voir ce qui s’y passait, ce qu’on pouvait y faire, le degré de sécurité que nous pouvions y trouver en attendant mieux. Le résultat de son enquête nous est encore inconnu ; mais l’envoi de sa personne à Salonique, le lendemain même du jour où il avait été particulièrement chargé de veiller sur notre frontière de l’Est, montre, par l’intérêt nouveau qu’on lui porte, l’importance qu’on a reconnue à notre situation à Salonique. Depuis le jour où le général Joffre a été investi du commandement suprême de toutes les armées de la République, son horizon s’est étendu avec sa responsabilité. On l’aurait peut-être bien étonné lui-même, si on lui avait prédit il y a quelques semaines qu’il se séparerait pendant quelques jour& du premier de ses collaborateurs, pour l’envoyer reconnaître le parti