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comme l’Angleterre, d’y être opposée. C’est pourquoi, outre les motifs de rancune d’ordre politique et religieux, l’hostilité contre nous y est si vive. Telle est la conviction finale qui s’impose, après qu’on a entendu les voix de droite. Mais je serais inexact et injuste, si je n’ajoutais ce correctif : aucun des catholiques et des conservateurs que j’ai interrogés ne m’a manifesté de haine contre la France. Je fais la part, bien entendu, de la courtoisie obligatoire à l’égard d’une hôte. On abomine le gouvernement français, mais on prétend aimer la France, non pas seulement celle de Jeanne d’Arc et de saint Louis, — la France tout court. Et cependant, on souhaite le triomphe de l’Allemagne. Arrange cela qui pourra ! M. Vazquez de Mella, dans son réquisitoire contre notre politique extérieure, n’a-t-il pas trouvé le moyen de glisser quelques phrases aimables pour notre pays ? Il y a plus : je dois reconnaître que toutes les âmes vraiment religieuses, que j’ai rencontrées, même dans les camps les plus germanophiles, m’ont exprimé pour la France une sympathie et une affection qui semblent sincères. Il subsiste, tout au fond d’elles, un obscur sentiment de fraternité chrétienne, que rien ne peut étouffer. Je me souviens notamment d’une conversation avec un vieil officier carliste, qui avait, me disait-il, mangé en France « le pain noir de l’exil, » après la restauration alphonsiste. C’était un homme terrible et frénétique, d’une intransigeance superbe. Après avoir déversé pendant une heure les pires invectives contre notre gouvernement, il me quitta assez brusquement. Mais, soudain, comme pris d’un remords, il courut à ma poursuite, et, me pressant les deux mains avec effusion, il me dit, de sa grosse voix de soudard, qu’il s’efforçait de rendre bien débonnaire :

— Je prierai Notre-Dame de Lourdes pour la France !


Enfin, ce serait ingratitude et aussi négliger des bonnes volontés sur qui nous pourrions nous appuyer plus tard, que de passer sous silence l’accueil si chaleureux que j’ai reçu de quelques prélats : malgré la vogue de la culture allemande, ceux-ci tiennent à honneur de rester dans notre clientèle intellectuelle. Ils lisent nos journaux et nos revues, ils sont au courant de notre littérature. La fidélité de leur culte pour nos gloires catholiques de l’autre siècle a quelque chose de touchant.