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l’échange de ces obligations contre des titres de l’emprunt nouveau. La majeure partie des détenteurs a fait usage de cette faculté et abandonné leurs créances, remboursables au plus tard dans neuf ans, contre une dette perpétuelle, dont ils ne pourront jamais réclamer le capital à l’État. C’est pour celui-ci un allégement considérable de son passif à brève échéance.

Au mois de novembre 1915, le ministre des Finances jugea le moment venu d’émettre un emprunt consolidé. Seize mois de guerre avaient été conduits avec les ressources procurées par l’impôt, par la Banque de France, par les Bons et les obligations de la Défense nationale émis à l’intérieur et à l’étranger. Il convenait de recourir maintenant à l’aliénation de rentes perpétuelles. Nous avons exposé, dans la Revue du 1er décembre 1915, comment M. Ribot fut amené à choisir le type de 5 pour 100, à déterminer les diverses conditions de l’opération, prix d’émission, durée de la période pendant laquelle l’Etat renoncé à son droit de rembourser le porteur, conversion facultative du 3 pour 100, admission à la souscription, au pair ou bien au prix d’émission, des Bons et obligations de la Défense nationale.

L’une des grandes innovations apportées aux habitudes du public français était la non-limitation du chiffre de l’emprunt. Lors des opérations antérieures, le total des rentes offertes par l’Etat était toujours fixé à l’avance, ce qui permettait aux souscripteurs de se livrer à des calculs de probabilité sur la répartition à attendre, et les engageait souvent à majorer leurs demandes en vue d’une réduction éventuelle. C’est ainsi que, dans certains cas, ces demandes ont été dix, quinze, vingt fois supérieures au total de l’emprunt.

En décembre 1915, rien de semblable ne pouvait se produire. Chacun était certain de recevoir tout ce qu’il souscrivait et limitait, en conséquence, strictement sa demande au chiffre qu’il désirait obtenir. C’était écarter d’avance le péril de la spéculation, mais c’était restreindre en même temps la possibilité de ces feux d’artifice de souscriptions qui, à d’autres époques, avaient paru un témoignage éclatant de la confiance du public dans le crédit de l’Etat.

La souscription, ouverte le 25 novembre, a été close le 15 décembre suivant. Les résultats ont été considérables. Dès le 24 décembre, M. Ribot déclarait à la tribune du Sénat que