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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/460

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leur contemplation. Cette conception de l’amour était nouvelle dans notre littérature. Ce n’est pas celle des poètes de la Renaissance, qui conseillent à leur maîtresse de cueillir les roses de la vie. Ce n’est ni l’amour cornélien qui est une forme supérieure de l’estime, ni l’amour racinien qui est Vénus tout entière à sa proie attachée. C’est un amour qu’après Lamartine comme avant lui, aucun de nos grands poètes n’a célébré, ni celui de la Tristesse d’Olympio, ni celui du Souvenir. « Tous ceux qui pleuraient un amour perdu ou qu’un désir d’amour obsédait, écrit M. Lanson, tous ceux que nulle réalité ne contentait et que le rêve de l’infini tourmentait, tous ceux qui flottaient entre le doute et la foi, tous ceux-là ont trouvé que Lamartine, en se disant, les avait dits. Et tous ceux qui, dans l’avenir, seront pareils à ceux-là, se retrouveront comme eux dans les tristesses de l’amant d’Elvire. » J’ajoute : tous ceux que l’amour élève au-dessus d’eux-mêmes et exalte dans une sorte de communion avec l’infini. Ils trouveront tous un peu de leur tourment et de leur rêve, de leur tristesse et de leurs espérances dans les Méditations, qui sont le livre classique de cet amour éthéré et mystique.


Je ne puis terminer cet article sans adresser un mot d’adieu personnel au directeur très aimé qui vient de nous quitter trop tôt et qui laisse ici d’unanimes regrets. Francis Charmes était d’une bonté parfaite, accueillant à tous, et pour quelques-uns d’une amitié à toute épreuve. Nous étions entrés ensemble à cette Revue, où nous ne devions plus cesser d’être, comme il disait, voisins de chroniques. Pendant les années où il a présidé aux destinées de cette grande maison, j’ai toujours trouvé en lui le guide le plus sûr et le meilleur conseiller. Entre les qualités de son esprit une surtout le désignait aux fonctions qu’il a si heureusement remplies pour le bien de tous : le tact, qui était chez lui le plus naturellement délicat et le plus averti. En ces derniers temps, si durs pour beaucoup d’entre nous, il m’avait témoigné une affection empressée et touchante. Je lui en reste à jamais reconnaissant.


RENE DOUMIC.