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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/478

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d’Autriche, de Bulgarie et de Turquie, que sont bientôt allées rejoindre une trentaine de personnes, parmi lesquelles il y a de tout : une violoniste de café-concert, un agent de navigation, un professeur, directeur d’une école allemande. Si les renseignemens donnés par certains journaux sont exacts, le nombre de ces « indésirables » aurait rapidement décuplé : il aurait, le 4 janvier, atteint trois cent cinquante. (À Mitylène, hier, scène analogue.) Salonique n’était pas seulement un nid, mais une ruche, une fourmilière d’espions. Sur le genre de travail auquel se livrait ce joli monde, il ne saurait en effet y avoir de doute. Le cheminement était dirigé tout autant, plus encore contre la Grèce que contre les Alliés. Outre les documens saisis, on a découvert dans les caves du consulat d’Autriche-Hongrie un arsenal complet, consistant en centaines de fusils, de revolvers, de boites de cartouches, des brassards timbrés du Croissant, des uniformes turcs, 2 000 drapeaux ottomans et toute sorte d’accessoires, qui n’attendaient plus que les conjurés. Et les conjurés étaient d’avance embrigadés, qui n’attendaient, eux, que l’occasion. Elle se serait offerte dans les murs quand se serait dessinée l’attaque contre les forts : l’armée anglo-française aurait été placée entre deux feux : par devant, la coalition ; par derrière, l’insurrection. Mais voici encore un sujet de méditation pour le ministère hellénique, s’il n’en avait déjà trop à son gré : pourquoi ces uniformes turcs, amoncelés en ballots ? Est-ce bien le signe que l’intention des conspirateurs était de conserver ou, le cas échéant, de restituer Salonique à la Grèce ?

Pris en flagrant délit, la main dans le sac de poudre, les auteurs responsables de la machination se sont empressés d’user du procédé classique : ils ont jeté les hauts cris, et, avant qu’on leur reprochât leur crime, protesté contre un « attentat, » qui, en fait comme endroit, reste à démontrer. En fait, il leur faudrait prouver que le consulat d’Autriche-Hongrie n’était pas transformé en magasin d’armes, en boutique clandestine de costumier et d’armurier ; que les consulats d’Allemagne, de Bulgarie et de Turquie ne fonctionnaient pas jour et nuit en bureaux de renseignement pour l’ennemi et d’enrôlement. En droit, il faudrait établir que des consuls qui font ce métier continuent à être couverts par les immunités diplomatiques. Il suffit d’énoncer la thèse pour qu’en éclate aux yeux les plus prévenus toute l’aveuglante absurdité. Néanmoins, l’Austro-Allemagne somme la Grèce de revendiquer sa souveraineté outragée après ou avec sa neutralité. Elle la somme de restaurer le droit des gens qu’elle déclare injurié, — et elle s’y connaît ! Telle que l’affaire se présente en toutes ses