Le rite constitutionnel est accompli. Le passage parlementaire de l’an 1915 à l’an 1916 s’est fait tout doucement, non pas à la muette, bien entendu, ce qui serait contradictoire à la nature même de l’institution, mais sans secousse. Dans les deux Chambres, les présidens aisément réélus ont prononcé les paroles convenables. M. Paul Deschanel, selon son habitude, a dit éloquemment de bonnes ou d’excellentes choses. Son allocution inaugurale a été tour à tour un bilan, une apologie, une admonestation. Il faut en souligner une phrase. Après avoir reconnu que, parmi les critiques adressées à ses collègues, « il en est où leur clairvoyance saura, à n’en pas douter, discerner la part de justesse, » M. Deschanel a ajouté : « Mais il est d’autres critiques qui paraissent moins admissibles. Par exemple, la Chambre s’est-elle immiscée dans la direction des opérations militaires ou dans la conduite des négociations diplomatiques ? Non. (Interruption : Pas assez ! ) Depuis le commencement de la guerre, militaires et diplomates ont agi en toute indépendance ; ni les attributions n’ont été confondues, ni les responsabilités. Et ceux qui vous reprochent aujourd’hui un excès de curiosité seraient mal venus à vous reprocher plus tard un excès de réserve. »
Qui aime avec ardeur craint beaucoup et de loin pour l’objet qu’il aime ; mais voilà un tourment que la sollicitude de M. Paul Deschanel doit s’épargner. Personne ne songera plus tard à reprocher à la Chambre un excès de réserve ; et, quant à présent, on ne lui reprocherait ses excès de curiosité que si, par le désordre qu’ils risqueraient de jeter sur les points où elle s’exerce, la tâche nécessaire, l’œuvre sacrée en était compromise. Au demeurant, la France sait trop que la seule maxime certaine de gouvernement appliquée la plupart du temps pendant les vingt dernières années a été que,