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d’intuition mystique, envisage surtout, dans le domaine social et moral, la réalité britannique. On chercherait en vain en Italie cette unité intellectuelle et cette puissance de rayonnement que la France doit à son antique rationalisme. Toutes ces civilisations ont leur place dans l’esprit européen, mais la civilisation française seule peut les concilier, y choisir ce qu’elles contiennent d’universel. Si l’esprit européen subsiste après la guerre, c’est au sacrifice de la France que nous le devrons, et, quand bien même il ne faudrait compter en aucune manière sur la reconnaissance des peuples, le rôle magnifique et douloureux qu’elle a joué dans le grand drame lui assurera une situation morale incomparable. L’altitude de la nation, au plus fort de la crise, a émerveillé le monde : on a compris que par-delà les contradictions d’une société qui, depuis un siècle, cherche à concilier les exigences d’une démocratie encore à demi inorganique et le lourd et splendide héritage d’une civilisation aristocratique, l’équilibre français se maintient. Il n’a perdu aucune des qualités qui lui ont valu jadis un empire universel sur les esprits ; on dirait au contraire qu’elles ont acquis un éclat nouveau. Nous ne verrons jamais l’Europe allemande ; s’il y a quelque logique dans le développement de la civilisation, nous reverrons l’Europe française.


L. DUMONT-WlLDEN.