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d’Ydocin nous font entrer dans la familiarité de cette existence et nous initient à ses tribulations. Elles n’ont rien de chevaleresque. Il n’y est question que du bétail que le docteur a envoyé paître indûment sur les terres de ses voisins et des redevances qu’il exige, non moins indûment, des troupeaux qui passent sur les siennes. On va devant les juges. Le docteur répond par la bouche de son procureur qu’il en a le droit ; et tout à coup nous sommes transportés de la bergerie dans la salle des archives. Qu’on le sache : « La maison de Xavier est une des plus antiques et des plus privilégiées du royaume de Navarre ; son seigneur jouit d’une seigneurie souveraine, sans être tenu à aucun devoir de reconnaissance et d’hommage au Roi ni à la Couronne de Navarre, sauf l’obligation de faire guerre et paix à son commandement… La maison de Xavier eut, en divers temps, des seigneurs de grande distinction, desquels plusieurs furent gouverneurs du royaume ou y remplirent d’autres charges éminentes à la cour des Rois… » Quel bruit d’armures et quel froissement de parchemins à propos de brebis paissantes ! Mais il n’est point mauvais que les hommes relèvent de cette manière leurs petits dissentimens. Comme la vie en est faite, c’est lui donner plus de valeur et plus de dignité.

Il serait presque inutile, dans ce milieu basque, d’insister sur l’esprit religieux, si les seigneurs de Xavier n’avaient mérité par une dévotion, qui même alors était singulière, la gloire de mettre au monde un saint. La petite forteresse semblait s’être préparée à le recevoir. On avait découvert, au XIVe siècle, dans le creux d’un mur de l’ancien castillo, un étrange Christ, fait, comme celui de Burgos, en peau ou en cuir comprimé, décloué de sa croix, les bras liés aux épaules par une chaîne qui les ramenait le long du corps et les y maintenait. Il avait été caché là sans doute au temps où les Maures étaient menaçans ; et ceux qui le voyaient avaient l’âme saisie de compassion. On le remit en croix, et on lui attribuait une vertu miraculeuse. Le donjon se nommait Saint-Michel, et la chapelle domestique était placée sous le vocable de cet archange, patron des Aznarès. Au-dessus de la porte voûtée du castillo, deux anges soutenaient l’écusson de pierre où étaient sculptées les armes des Xavier : en champ de gueules un croissant de lune échiqueté blanc et noir.

Mais ces reliques, ces murs sanctifiés, ces patronages, ne