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gouvernement anglais n’a pas essayé de nier l’inefficacité relative du blocus actuel et il a déclaré qu’il allait prendre toutes mesures nécessaires pour en resserrer les mailles.


« Blocus actuel, » écrivons-nous. Mais, en fait, y avait-il bien blocus ? Les Anglais disent oui, les Américains disent non ; et s’il s’agit de blocus complet, de blocus effectif, surtout, dans le sens que le droit international donne à cet adjectif, il faut bien reconnaître que le gouvernement de Washington avait raison dans ses dénégations, puisque, à n’en point douter, les ports de la Baltique, les ports du littoral le plus étendu de beaucoup de l’Empire allemand, ne sont pas bloqués du tout par les Alliés et que les ports mêmes de la mer du Nord ne le sont qu’à grande distance, à une distance telle qu’un blockade runner dans le genre de ceux qui entraient si brillamment à Charleston, il y a cinquante ans, aurait certainement des chances de passer indemne.

Or cette question de la réalité, de l’« effectivité, » si je puis dire, du blocus de la côte ennemie a, juridiquement, une importance considérable. C’est, en effet, la condition expresse de la légitimité de l’exercice du droit de suite, qui permet au bloqueur de s’assurer de la destination ultime de tel objet ou de telle matière, figurant dans la liste de la contrebande de guerre, qu’un navire neutre transporte dans un port neutre, mais un port d’une puissance limitrophe du belligérant bloqué, de telle sorte qu’on est en droit de soupçonner que c’est ce belligérant qui, en dernière analyse, bénéficie de cet objet ou de cette matière.

« Jusqu’à ce que vous ayez pénétré dans la Baltique, disent les États-Unis, — qui savent fort bien ce qu’une telle condition présente de difficultés à l’esprit des dirigeans anglais, — nous ne pourrons, en toute justice, admettre la légitimité du contrôle de plus en plus rigoureux que vous exercez sur nos cargaisons à destination de Rotterdam, de Bergen ou de Copenhague, bien moins encore la saisie ou seulement la retenue des marchandises dont la destination finale est l’objet d’un doute qui, justifié ou non, vous suffit pour tout arrêter. »

Ces observations étaient déjà présentées avec force, au moins dans leur expression, par les représentans du président Wilson, au cours de ce que j’appellerai encore le blocus actuel