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Un silence, un long silence tragique de plusieurs minutes, succéda à cette lecture… Nous venions d’entendre pour la première fois l’ultimatum infâme, et nous songions… Dans l’esprit de chacun de nous, au souvenir tendrement ému de la patrie adorée, paisible et bonne, succéda peut-être une vague notion des horreurs qui s’avançaient au-devant d’elle ; mais ce qui domina nos pensées, ce fut certes, chez tous, la ferme volonté d’être dignes des ancêtres des grandes époques d’épreuves… Il était évident que la note allemande n’invoquait l’intention de la France de marcher sur la Meuse que comme prétexte, et que l’ultimatum était purement et simplement une sommation d’avoir à renoncer à la neutralité en faveur de la formidable Allemagne. Ceux qui l’avaient rédigé n’avaient pas pensé un moment que la Belgique, ce pays si petit sur la carte d’Europe, eût osé ne pas se plier sans phrases à la volonté de sa toute-puissante voisine ! Ceux qui le lurent, n’ayant pas la même mentalité, eurent au contraire immédiatement, spontanément, sans discussion, sans hésitation, sans même se communiquer mutuellement leurs pensées, la claire notion qu’une seule réponse était possible : un non péremptoire et indigné !

Ce fut le secrétaire général qui rompit le silence. S’adressant au ministre de la Guerre, le baron van der Elst lui demanda :