voir l’Allemagne, désappointée par notre réponse à son ultimatum, reculer au dernier moment et donner contre-ordre à ses troupes. M. Arendt, qui avait été directeur général de la politique avant le baron de Gaiffier (de 1896 à 1912), vint me voir dans l’après-midi, vers quatre heures. Il prit connaissance de l’ultimatum et de notre réponse, et lui qui avait tant étudié cette neutralité garantie que les Puissances nous avaient imposée, lui qui était l’auteur principal des notes mentionnées au début du présent article, il se prit à penser un moment que notre attitude si décidée et si conforme à notre devoir, allait faire hésiter le colosse germanique. La faute politique que commettrait l’Allemagne en inaugurant la guerre mondiale par une violation absolument injustifiée de la neutralité d’un pays ami lui parut si énorme, la réprobation universelle qu’elle devait fatalement soulever lui sembla devoir peser si lourdement dans la balance de la reddition finale des comptes, qu’il voulut douter encore… Les Allemands avaient compté nous intimider. Ils avaient tablé sur un consentement arraché au sentiment de notre faiblesse. Le ton de notre réponse ne pouvait leur laisser de doute sur l’erreur qu’ils avaient commise. Sachant dorénavant qu’ils allaient se heurter et la résistance désespérée d’une armée peu nombreuse, mais courageuse et appuyée sur des places solides, n’allaient-ils pas redouter de voir tous leurs calculs, tout leur plan fondé sur une traversée rapide de la Belgique compromis ?… N’allaient-ils pas adopter en conséquence un plan alternatif qu’ils auraient tenu prêt pour cette éventualité ?…
Telles étaient les questions que se posait encore, en cette heure suprême, celui de tous les Belges qui, d’avance, avait sans doute médité le plus souvent sur le jour angoissant que nous traversions…
N’est-il pas permis de croire que sa claire intelligence voyait juste, et que si l’Allemagne eût, au dernier moment, décidé d’éviter notre territoire, elle aurait fait preuve de sagesse au point de vue militaire et plus encore au point de vue politique ?
Une chose est certaine, en tout cas, parce que démontrée par les événemens, c’est que l’offensive « foudroyante » contre la France à travers la Belgique a été une mauvaise opération. Elle a abouti à un insuccès fatal pour l’Allemagne. La bataille