Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses religieux, officiait avec un bel organe et une dignité admirable. Les protestans qui étaient là devaient être frappés de l’ensemble de ces rites religieux. Au moment où les portes de l’Église ont été ouvertes à la foule, elle s’y est précipitée avec tant de violence qu’il y a eu, au bas de l’église, un court moment de tumulte. Cela n’a duré qu’une minute, et je voyais sur le visage du Prince, que je ne perdais pas de vue, l’inquiétude qu’il en avait. La cérémonie a commencé par un discours allemand, très bien dit par M. Nicolai. M. Vieillard en avait donné la substance ; ainsi il devait être très bien. Le prélat a ensuite commencé la grand’messe, pendant laquelle six prêtres l’assistaient. D’autres disaient des basses messes, qui se succédaient sur les deux autels latéraux...

Nous avons eu peine à percer la foule pour gagner notre voiture qui n’a pas tardé à rejoindre le cortège arrêté à la croisée du chemin, hors du village, où se disaient les dernières prières. De là, le clergé et les moins zélés retournaient à Ermetingen, le plus grand nombre suivait jusqu’ici... Mme Vieillard disait avec raison que tout avait été poétique dans la vie de la Reine, que sa fin et les honneurs qui lui étaient rendus l’étaient encore : ce beau pays, cette foule éparse, cette longue course à pied de tout ce cortège, tout parlait à l’imagination et au cœur !

A la demande de Mme Salvage, nous avons mis pied à terre pour nous rapprocher autant que possible du corps pendant que les dernières prières se faisaient, puis nous avons pris la vieille route et nous sommes arrivées ici longtemps avant le cortège, et nous avons été nous agenouiller dans la chapelle pour recevoir le corps qu’on y est venu déposer et qui y restera jusqu’au départ pour la France... J’avais le cœur si serré à ce dernier moment qu’une larme n’aurait pas pu se faire jour, et je me sentais si souffrante que j’aurais voulu me sauver bien vite, bien loin, pour aller me soigner, et, pourtant, je comprenais que ma tache n’était pas remplie. J’ai demandé à M. Tascher si ma présence était encore nécessaire. Il m’a dit que non ; que je pouvais partir avec M. de Mayenfisch si je voulais, à moins que je ne fusse nécessaire au Prince pour débrouiller les affaires de sa mère ; qu’il fallait le lui demander.

En attendant le déjeuner, qui n’a eu lieu qu’à une heure, le Prince ayant quitté le salon, je lui ai demandé de faire un tour