Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de promenade avec lui. Il m’a bientôt rejointe. Il me semble impossible de rendre compte de cette conversation où le Prince, tout en voulant être très bien pour moi, me disait les choses les plus pénibles que je pusse entendre. Je lui ai demandé si je devais partir avec M. de Mayentîsch pour revenir ensuite pour faire les distributions aux femmes de chambre et ranger mes affaires. Il m’a dit que je devais faire ce qui me conviendrait le mieux et ne me gêner en rien, mais qu’il préférait que je finisse tout le plus tôt possible, qu’il avait hâte de tout terminer et que, plus tard, il était douteux que je trouvasse des dames ici, — ce qui voulait dire que je devais partir au plus vite. Il m’a avoué que ce qui l’avait aussi beaucoup refroidi pour moi, c’était mon intimité avec M. Cottrau ; qu’il nous avait laissés vivant comme chien et chat et qu’il nous retrouvait faisant cause commune ; qu’il ne lui appartenait pas de scruter mes affections, mais qu’il m’en voulait de ce que je tâchais toujours de faire entrer M. Cottrau chez sa mère, tandis qu’il était inconvenant qu’il y fût autant et surtout qu’il y entrât le matin ; qu’il le lui avait défendu depuis son retour et que si sa mère était guérie, il aurait dit qu’il fallait que lui ou M. Cottrau quittassent la maison ; qu’il ne doutait pas que ces rentes d’Espagne ne lui eussent été données par la Reine pour ses tableaux et le courtage du collier qu’il avait porté à Munich ; que cela ne le regardait pas. M. Cottrau avait confirmé cette croyance par des bêtises qu’il avait dites à M. Vieillard et à M. Parquin. Il croyait que je le savais, que j’y avais été pour quelque chose, que j’avais été interloquée quand il m’avait parlé de ces rentes d’Espagne, qu’il y avait une hésitation dans mes paroles et qu’il m’avait crue de moitié dans tout cela. Il désirait que M. Cottrau partit et qu’il le lui avait déjà dit et le lui dirait encore, si c’était nécessaire ; qu’il ne pardonnait pas à M. Cottrau ses manières inconvenantes qui tendaient à faire croire qu’il était l’amant de la Reine. Moi, j’ai dit (et d’après les paroles d’Elisa) que je ne pardonnais pas à Mme Salvage de le dire et qu’elle le faisait dans l’idée de faire éloigner M. Cottrau. Quant à moi, il m’était facile, en disant le vrai, de lui montrer l’injustice et la fausseté de tout ce qu’il me disait. Ge n’est pas lui qui a pu avoir de pareilles idées, mais c’est déjà assez mal qu’il ait pu se laisser emberlificoter par Mme Salvage au point de les adopter venant d’elle. Comment est-il possible qu’il ait