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II

En est-il ainsi des Arts Décoratifs ? Assurément, ils n’ont pas suscité de moindres ambitions que les autres. C’est peut-être là, que s’est porté le principal effort de l’artiste allemand et qu’il croit le plus sincèrement l’avoir emporté sur ses voisins. Si l’on pouvait tirer de lui, en toute franchise, son opinion intime sur l’Art de son pays, il avouerait peut-être que sa peinture et sa sculpture n’ont pas éclipsé les françaises, mais il réclamerait en faveur de l’architecture, du meuble, et de la décoration intérieure de la maison allemande. « Si, dans le domaine de l’architecture, dit Ostwald, une forme d’art a pris naissance, c’est à l’Allemagne qu’on doit ce progrès sur une stagnation qui durait depuis environ mille ans. » Et le professeur Kuno Francke explique : « Ce n’est pas seulement dans le bon gouvernement ou dans le progrès social que l’Allemagne, durant les quarante dernières années, a dépassé la plupart des autres pays. La supériorité germanique s’est aussi manifestée avec une rapidité et un poids surprenans dans les choses qui comptent pour la beauté et la joie et l’ornement de la vie. Tandis qu’au point de vue architectonique, Paris conserve toujours le cachet du Second Empire et Londres de l’ère victorienne, et que, dans les provinces françaises et les petites villes d’Angleterre, l’art de bâtir ne s’exerce que lentement et selon les vieux erremens, Berlin, Hambourg, Brème, Hanovre, Cologne, Cassel, Darmstadt, Francfort, Nuremberg, Munich, pour ne pas parler de beaucoup d’autres villes allemandes, ont entrepris de véritables révolutions, durant la dernière génération. De nouveaux halls municipaux, des théâtres, des opéras, des musées, des bâtimens universitaires, des hôpitaux, des gares, des magasins, de somptueux hôtels particuliers ou des cottages modèles ont surgi partout, et, dans tous ces cas, un style d’architecture nouveau et typiquement allemand semble se développer. Il y a pas mal de lourdeur dans tout cela, mais certainement on n’y voit plus cette imitation académique et cet éclectisme formels de souvenirs pseudo-gothiques ou pseudo-renaissans. Il y a, là, la preuve fréquente d’une imagination originale et puissante et un effort incontestable vers la majesté, la proportion, la symétrie