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de Neuve-Chapelle, que pendant les deux années de la guerre du Transvaal ?

Dans cette opération capitale du ravitaillement, un rôle essentiel est joué par un organe à peu près complètement ignoré du grand public et qui porte le nom de station-magasin. Nom singulier à première vue, pas trop mal choisi cependant, s’il n’avait le tort de n’indiquer qu’une partie des opérations effectuées par ces établissemens. En temps de paix, rien ou à peu près n’en indiquait l’existence, sauf parfois de vastes magasins ; mais le public, n’y étant pas admis, ne pouvait savoir ce qu’ils contenaient. La station-magasin est presque exclusivement un organe du temps de guerre, et c’est ce qui explique qu’elle était ignorée des villes mêmes qui en possédaient une.

Dès qu’une armée a stationné longtemps en un même point ou qu’elle avance en une région déjà exploitée par l’adversaire, le ravitaillement sur place devient absolument insuffisant ; dans les pays ravagés, il est réduit presque à néant ; il faut donc faire venir presque tout de l’arrière, et c’est ici qu’apparaît l’utilité de la station-magasin.

L’idée n’en est pas complètement nouvelle ; au temps de Louvois ou de Napoléon, les armées avaient déjà des magasins organisés à l’avance en temps de paix, tout au moins dans la période qui précédait immédiatement les hostilités. Ces magasins étaient d’ailleurs créés pour un motif tout autre qu’aujourd’hui : c’était l’extrême difficulté des communications qui les rendait nécessaires, sans parler du désir de s’affranchir dans une certaine mesure des services coûteux des fournisseurs aux armées. S’il avait fallu faire venir de l’Ouest ou du Midi le blé ou l’avoine nécessaires à l’approvisionnement d’une armée opérant dans l’Est ou le Nord, hommes ou chevaux auraient pu mourir de faim avant de le recevoir. Le danger est qu’en vertu de ce système l’armée pouvait se trouver liée à ses approvisionnemens et n’osait trop s’en écarter. Grâce à la rapidité actuelle des communications, cette difficulté a été très atténuée ; elle a presque disparu dans certains pays dotés d’un réseau ferré très complet. Mais l’utilité des stations-magasins réapparaît à raison du nombre immense d’hommes, chevaux et voitures automobiles à ravitailler ; et, loin que ce soit aujourd’hui la lenteur des communications qui nécessite la création de cet organisme, c’est leur facilité même qui en permet le fonctionnement : établies