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mouton est plus délicate, la conservation en est moins assurée ; par temps orageux spécialement, les quartiers arrivaient parfois avariés, si bien que, malgré les précautions prises, saupoudrage au sel et même injection d’une solution saline dans les tissus, on a dû renoncer à ce système pour les longs trajets et en revenir au transport des moutons vivans, comme pour le bétail bovin.

La vraie solution eût été de recourir plus tôt et plus largement que nous ne l’avons fait à la viande congelée ou frigorifiée. Cela nous eût permis de ménager notre bétail en nous adressant davantage à l’étranger, et, de plus, eût atténué la hausse de prix formidable dont a souffert la population civile comme l’armée. Malheureusement, il eût fallu, pour conserver cette viande en grande quantité, posséder des installations qui nous manquaient, et c’est regrettable, car la consommation n’en présente aucun des inconvéniens qu’offre celle des conserves de viande prolongée au delà d’un certain temps.

Les conserves de viande, pour lesquelles il y a eu d’énormes marchés passés aux premiers jours de la guerre, sont précieuses en certaines circonstances, à raison de leur petit volume (chaque boite contient une ration de 300 grammes) et de leur longue conservation. Chaque homme doit en avoir deux boîtes dans son sac à titre de vivres de réserve. C’est le fameux « singe » que mangent nos soldats, quand il est impossible de les ravitailler en viande fraîche, ou qu’ils ne peuvent faire cuire la viande fraîche qui leur a été distribuée. Au début, pendant la période de recul, et, plus tard encore, dans les tranchées de première ligne, où on n’osait pas faire de feu, le cas s’est souvent présenté d’hommes obligés de jeter, sans pouvoir l’utiliser, la viande qu’on leur donnait Il n’y avait pas à ce moment de cuisines roulantes, d’ailleurs difficilement utilisables en cas de recul, et ce n’est évidemment pas le rôle des services de l’arrière de fournir aux troupes la viande toute cuite. Par la suppression de tout apprêt, les conserves apparaissent comme la nourriture tout indiquée pour les troupes en marche. Aussi aujourd’hui que. Dieu merci, un recul n’est plus à craindre, la demande d’un fort ravitaillement en boites de conserves est un heureux symptôme. Et, dans cette prévision, la station-magasin en possède, comme pour le pain de guerre, des lots immenses empilés en monticules dans les hangars où ils attendent leur chargement. Mais il y