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menacées un travail forcené, prolongé pendant quatre jours et quatre nuits sans interruption, et sans établissement de relais possibles, puisque tout le personnel était occupé à la fois ; ce personnel a donné là le maximum d’effort qu’on puisse demander à des hommes, surtout d’un certain âge et non entraînés. Dans la plupart des stations-magasins tout a été sauvé, depuis les denrées jusqu’aux fours démontables ; les machines mêmes, dynamos, torréfacteurs, tout ce qui était transportable ou démontable a été enlevé.

Quelques jours plus tard, tout se trouvait remonté et reformé à l’arrière, à l’Ouest ou au Midi, — en attendant la reprise de la marche en avant, bien lente au gré de tous. Et de nouveau le fonctionnement intense reprenait, mais cette fois avec une installation de fortune, fours montés à la hâte et provisoirement non abrités, hangars et magasins insuffisans ou dispersés aux quatre coins de la ville, comme parfois les hommes eux-mêmes ; sous peine d’affamer l’armée, il fallait arriver à produire et expédier sans délai son ravitaillement normal.


On voit que, loin d’être le simple magasin ou entrepôt que se figurent quelques-uns, les stations-magasins doivent, avec leurs diverses fabrications et les multiples manutentions nécessaires, fournir sans arrêt un travail énorme, et cela avec un nombre relativement restreint d’hommes et d’officiers.

Il n’est pas inutile de le redire, alors surtout qu’à la suite d’une campagne utile à ses débuts, mais qui tombe aujourd’hui dans une exagération regrettable, on tend trop souvent à voir des embusqués dans tous les hommes affectés aux services de l’arrière, même les plus indispensables. C’est là une vue bien superficielle, car si leur rôle, moins dangereux, est moins brillant que celui des services de l’avant, il est souvent aussi pénible et parfois davantage, à raison de la continuité de l’effort. Et ceux qui l’accomplissent ne sont pas soutenus par l’entraînement de la lutte ; ils ne connaissent ni la griserie du succès âprement disputé, ni la joie de ces récompenses honorifiques, croix, médailles, citations à l’ordre du jour, auxquelles les Français sont toujours si sensibles.

Pourtant, ils sont loin d’être sans mérite, car maintenant