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surtout que la plupart des hommes jeunes et valides ont été pris pour le front, ce sont de durs travaux qu’il faut demander à l’arrière à des hommes dont beaucoup sont malingres ou déjà âgés. Leur constante bonne volonté a suppléé au défaut de force. Par tous les temps ils ont travaillé des dix et onze heures par jour, ruisselans de sueur l’été sous un soleil brûlant, ou transis l’hiver par les averses glaciales. C’est grâce à leurs efforts couronnés de succès qu’ont pu être obtenus ces résultats que constatait récemment un brillant écrivain espagnol autorisé à visiter nos lignes ; il ne cachait pas son étonnement de ne rencontrer partout, — on n’en pourrait sans doute pas dire autant de l’autre côté des tranchées, — que des hommes bien portans, ayant « une mine de chanoines, » grâce « au zèle d’une intendance sans rivale. » C’est là un hommage qu’il est bon d’enregistrer ; il faut le joindre à ces témoignages venus du front, proclamant tous bien haut que, grâce à la perfection des services d’intendance, ceux qui se battent là-bas ne manquent jamais du nécessaire.

C’est aussi, pour tous ceux qui se livrent à cette tâche, un encouragement à continuer sans trêve leur dur labeur. Pour humble qu’il est, il n’est pas méprisable à coup sûr ; il est, en son genre, aussi indispensable que celui même des combattans, aussi longtemps qu’on n’aura pas trouvé le moyen d’avoir des soldats qui puissent vivre sans manger et se battre sans munitions. On peut dire sans exagération que l’excellence de nos services de l’arrière a été la condition matérielle des succès de notre héroïque armée ; il est donc juste qu’une petite part de la reconnaissance du pays aille à ces prétendus embusqués auxquels nous devons, non certes nos succès mêmes, mais du moins la possibilité de ces succès.


LOUIS LE FUR.