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sont de celles que, nous, nous aimons à entendre, car elles rendent un son d’âme qui nous va droit à l’âme. Mais M. Salandra précise. S’adressant à M. Briand : « Demain, continue-t-il, au pied de nos âpres montagnes, vous serez au milieu de nos soldats, près de notre bien-aimé souverain, du premier soldat d’Italie. Vos yeux verront l’effort long et tenace, la dure fatigue d’un peuple en armes qui, guidé par son Roi, veut conquérir à la patrie les frontières naturelles et nécessaires sur les Alpes et sur la mer. Nos pensées vous suivront, nous associant cordialement au salut fraternel que l’armée italienne vous confiera pour l’armée française. »

Dans ce morceau si bien venu et d’un accent de sincérité si frappant, peut-être une exégèse minutieuse isolerait-elle, comme objet principal, cette indication ou cette définition « d’un peuple en armes qui, guidé par son Roi, veut conquérir à la patrie les frontières nécessaires sur les Alpes et sur la mer ; » et elle croirait alors y reconnaître des choses dites depuis longtemps, et dont notre jeunesse fut bercée : « l’Italie libre jusqu’aux Alpes et jusqu’à l’Adriatique. « Ainsi cette critique, en défaut par son excès même, prétendrait expliquer le titre que ne cessent d’imprimer les journaux : « la guerra nostra. » « Notre guerre, » oui, mais qu’est-ce au juste, et de quel sens plein une telle formule est-elle chargée ?

La guerra nostra, ce n’est pas à dire simplement, ce n’est pas à dire vraiment « notre guerre à nous, Italiens, » celle que nous faisons à côté et, si l’on le veut, en bordure ou en marge, mais en dehors du grand conflit européen, qui lui demeure parallèle et, à ce titre, le côtoie, mais ne le rencontre pas. Non, ce n’est pas cela ; et la déclaration d’alliance le prouve, et la déclaration d’adhésion à la convention de Londres, excluant toute paix séparée, le prouve doublement. C’est-à-dire encore et surtout « notre guerre à nous seuls, » la guerre qu’après 1859, après 1866, où nous eûmes des secours étrangers, nous faisons par nos propres armes, per le proprie armi, achevant notre libération et complétant notre unité, rachetant nous-mêmes nos terres non rachetées, chassant du sol italien les Barbares, écrivant de notre main le dernier chapitre du Prince.

Que conclure de là, sinon qu’une politique idéaliste n’est pas obligatoirement une politique romantique, et que la politique italienne est à la fois idéaliste et réaliste ? Idéaliste en ses desseins, depuis les premières aspirations à l’unité jusqu’au Risorgimento, jusqu’aux journées de mai dernier, qui ont jeté l’Italie du côté du droit, dans le camp de l’humanité civilisée, elle est aussi, à travers toute son histoire,