Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du XVIe siècle au XIXe, et de Machiavel à Cavour, réaliste en ses moyens comme en ses fins prochaines ; attirée par les principes que Rome a enseignés au monde, et en même temps attachée à Trente et à Trieste, à ses terre irredente. Pour cette politique ardente et savante, qui prend son équilibre sur deux pôles, l’imagination propose, la réflexion (dispose ; l’audace conçoit, la prudence exécute ; le génie l’oriente, le bon sens la fixe. Elle n’embrasse jamais assez pour risquer de ne rien étreindre, n’est pas dupe des mots, des formes vaines, des enveloppes vides ; elle ne fait pas un geste qui ne puisse pas être un acte. Il lui est arrivé de s’armer pour la croisade et de s’arrêter à l’Adriatique.

Mais, au bout du compte, il n’importe : cette exégèse trop aiguë eût-elle raison, qu’elle aurait tort. La guerra nostra, c’est possible ; et c’est possible, elle a pour objectif immédiat ou particulier de « conquérir les frontières naturelles et nécessaires, jusqu’aux Alpes et jusqu’à la mer. » Seulement, ces subtilités ne tiendront pas toujours, elles ne tiennent jamais longtemps devant la force des choses. Aussi bien n’est-il, pour l’Italie, qu’une chance d’avoir les Alpes et la mer, c’est la victoire de la Quadruple Entente : vainqueurs tous ensemble, elle le sait, ou personne ne sera vainqueur. L’unique front, selon le mot de M. Briand, fera la guerre unique, qui fera la commune victoire.

Afin que la force des choses, quand ce sera son heure, ne rencontre point de résistance, et que tout s’incline, au contraire, dans le sens où elle l’emportera, il n’était pas inutile de créer ou d’entretenir l’ambiente, le milieu favorable. C’est ce que j’appellerais, si j’osais, en de si grands événemens, user d’une image aussi familière : faire le Lit de la fatalité. En cette besogne préparatoire, le charme et l’éloquence de M. Aristide Briand ont parfaitement réussi. Les témoignages en abondent. Un des romanciers les plus célèbres de l’Italie, professionnellement exercé à l’observation, écrit : « Ces jours-ci nous avons eu à Rome la visite de votre gouvernement ; il y avait, dans l’atmosphère, comme une vibration de fête pour la rencontre des deux nations, et, toujours plus vive et plus ferme, l’espérance de notre victoire. » Ce n’est point un petit résultat, n’y en eût-il pas eu d’autres ; mais il y en a au moins un autre. S’il ne semble pas que l’on en soit encore à accepter l’idée de constituer à Paris un organisme permanent et unique, qui, pour la guerre unique et la commune victoire, réglerait, par une direction unique, la commune action des Alliés, il a été toutefois convenu que des réunions, des Conseils de guerre