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cœur de la nation, mais auxquelles il a donné une forme admirablement éloquente et puissante. Cette fois, il a été pleinement l’âme de la France et il a eu cet honneur, bien mérité, que le pays parlât par sa voix.

On retrouvera ces chroniques dans son volume intitulé la Guerre, qui va jusqu’au printemps de 1915 et qui va être suivi d’un second contenant les derniers articles du grand journaliste. On y relira et l’on y goûtera singulièrement une étude sur la carrière et le caractère du prince de Bülow, qui est un modèle de psychologie comme de science politique et qui fut infiniment remarquée par la presse du monde entier. On y avisera tout particulièrement encore tous les articles se rapportant aux questions d’Orient, sur lesquelles Charmes avait une information étendue et très sûre, et qu’il faisait passer par son filtre, si on se permet de parler ainsi, avec une adresse et une infaillibilité admirables. Il avait toujours refusé de mettre en volume les chroniques de la Revue ; mais pour celles-ci, il sentit que cette histoire au jour le jour était de la grande histoire et aussi que les vertus morales dont elles étaient l’expression pouvaient être, seraient certainement un entretien et une nourriture profondément salutaires, aux circonstances où nos sommes, pour les esprits et pour les cœurs.

Il eut raison, et cette lecture que je viens d’achever, en faisant repasser devant mes yeux les jours terribles que nous avons vécus, et en me faisant assister aux belles émotions d’une grande âme, m’a donné quelque chose de la magnifique fermeté et de la générosité réconfortante dont elle fut pleine. Un jour, prochain sans doute, à ces deux volumes sur la guerre de 1914, on joindra quelques volumes constituant un choix des articles de Francis Charmes, et la postérité pourra y prendre l’idée de ce que fut au XIXe siècle le bon sens français, la raison française appliquée aux choses de la politique et de l’histoire. Je crois pouvoir assurer que de ce sens droit et de cette raison sûre nul plus exact représentant ne se trouvera, ni plus fidèle dépositaire, ni plus lumineux interprète, que l’essayiste Francis Charmes.


Il mourut brusquement, d’une maladie cachée et insidieuse, qu’il ignorait, et qui faisait en lui son progrès insensible et