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lieues. Le nonce devait les visiter et, sur chacun de ces points, allumer ou rallumer un foyer de lumière. Nous ne sommes donc point surpris que François ne soit pas demeuré à Goa. Mais nous le sommes un peu qu’il n’y soit pas resté le temps de se familiariser avec la langue des pays où il se rendait. Son départ a quelque chose de précipité. Il avait laissé à Mozambique Paul de Camerino et Mansilhas. D’un jour à l’autre, la flotte allait arriver. Il ne les attend pas. Et pourtant ils auraient eu besoin de ses conseils. Dès maintenant, il faut s’y résigner : durant les dix années où nous le verrons passer de Goa à Cochin, de Cochin à Tuticorin, de Tuticorin à Malaca, de Malaca aux Moluques, des Moluques à Goa, puis au Japon, puis encore à Goa, puis en Chine, et où il traitera les Océans comme il eût fait du lac de Genève, nous serons plus d’une fois réduits aux conjectures sur les mobiles qui ont décidé de ses départs. Derrière lui, aux rivages, d’où son ombre nimbée s’élance et court les mers, nous soupçonnerons bien des rivalités et des complications qu’il ne nous a pas dites. Il s’éloignait donc de Goa au bout de cinq mois. Il emportait, en guise de bagage, les uns disent un parasol, les autres du cuir pour se faire de nouvelles gamaches quand les siennes seraient usées. Peut-être l’exemple contagieux de la magnificence goanaise le poussa-t-il à emporter l’un et l’autre. Et il n’était accompagné que de trois clercs indigènes dont il n’eut point à se louer.


V. — LES PREMIÈRES SEMAILLES

François descendit la côte occidentale de l’Inde. Il longea les lagunes du Malabar, où l’étrange ville de Calicut s’était ouverte aux premiers navigateurs portugais, puis refermée ; il passa devant Cochin, d’où les vaisseaux retournaient en Europe chargés de cannelle et d’épices jusqu’au mitan du mât, et devant le royaume de Travancore. Enfin il débarqua au cap Comorin, chez les pêcheurs de perles, les Paravers.

Les Paravers avaient été, huit ans auparavant, évangélisés par Michel Vaz : ils l’avaient oublié. Mais leur reconnaissance était provisoirement acquise à Sousa qui, du temps qu’il guerroyait dans l’Inde avant d’y retourner comme vice-roi, les avait délivrés de la flibuste maure. Ils formaient une caste qui ne se considérait point comme inférieure. Leur métier, si dangereux