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« surhomme, » mais la « surnation. » C’est ainsi que, pour préparer plus sûrement ses desseins, elle avait, en pleine paix, fait résolument l’avant-guerre, par l’espionnage universel, par l’invasion des marchés, des industries, des banques, par l’occupation des situations commerciales, industrielles, financières, destinées à lui servir d’étapes, par la propagande et l’imposition de tout ce qui était allemand, par l’intervention dans le domaine intérieur, dans la vie politique et sociale, dans la littérature, la science, l’art, la presse, des différens pays. C’est ainsi encore que, sans égard pour les traités qu’elle avait signés, pour les garanties solennelles qu’elle avait données, elle a réclamé de la Belgique le droit de passage à travers son territoire, comme s’il s’agissait d’une servitude de mitoyenneté qu’un grand voisin ne s’attend pas à se voir refuser. C’est ainsi que, dans ses déclarations de guerre, elle a cherché, sans y réussir, à rejeter sur d’autres une responsabilité qui était exclusivement sienne. C’est ainsi enfin que, pour hâter le dénouement et s’assurer à bref délai la victoire qu’elle escomptait comme certaine, elle a donné à la guerre, par la barbarie des engins employés, par la cruauté des sévices contre les non-combattans, par l’incendie, le pillage, la destruction systématique des œuvres d’art et des sanctuaires, le caractère le plus contraire au droit des gens et à toutes les conventions d’humanité si noblement consacrées par les actes des conférences de La Haye.

Il y a eu, par la volonté de l’Allemagne, une ostentation, non seulement d’inhumanité, mais de véritable monstruosité dans la remise en pratique, sous le nom de prisonniers civils et d’otages, de l’antique esclavage, dans le but assigné aux « raids » des Zeppelin, dans les entreprises absolument déloyales et barbares de la guerre sous-marine. L’Allemagne, après s’être elle-même transformée, par l’artifice et le sortilège de ce qu’elle appelle l’ « organisation, » en une sorte de monstre de la culture, a mis son point d’honneur et sa gloire à produire et à inaugurer dans cette guerre les pires raffinemens de l’art de tuer et de détruire, les Zeppelin, les sous-marins, les gaz asphyxians, les canons d’énorme calibre, et à en faire usage, non seulement, ce qui serait légitime, contre les combattans et les ouvrages ou engins militaires, mais contre la population civile, contre les villes ouvertes, les paquebots, les chalutiers et barques de pêche. C’est ici que se trahit, que se découvre le