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une collection prodigieuse d’aveux, de démentis, d’apologies, de contradictions, de redites, et surtout de mensonges. Toute l’intellectualité allemande, les quatre-vingt-treize signataires du manifeste de la culture se sont réunis pour affirmer vainement que ces mensonges étaient la vérité et pour se solidariser avec les crimes commis au nom de la « Kultur. » Sur le théâtre même de la guerre, même recours perpétuel au mensonge. Non seulement les communiqués de l’état-major et de l’agence Wolff dénaturent sans cesse les faits, mais les soldats, les officiers même se déguisent, empruntent les uniformes de l’ennemi, truquent les pavillons et les drapeaux, se servent frauduleusement de la Croix de Genève, feignent de lever les bras et de se rendre, tuent les prisonniers, achèvent les blessés.

Dans un monde où le respect de la vérité, où la correspondance étroite entre la parole et l’acte est la seule garantie, le seul gage des relations sociales, l’Allemagne a systématiquement miné et ruiné ce fondement élémentaire de la vie des hommes en société. Elle s’est ainsi, tout en l’exploitant, retranchée elle-même du monde civilisé. Sa devise, qui est le contraire de la belle maxime de Térence : Homo sum, humani nihil ame alienum puto, devrait être ainsi formulée : « Je ne suis pas humaine, tout ce qu’il y a d’humain m’est étranger. » C’est ce que M. de Bethmann-Hollweg a, dans un de ses discours, traduit crûment par ces simples mots : « Nous en avons fini avec le sentimentalisme. »


VI

L’humanité, heureusement, n’est pas de cet avis : elle continue de se prononcer pour ceux qui défendent son idéal et son droit. Elle s’est reconnue en nous. Et c’est pourquoi, dans la guerre actuelle, ceux qui s’appellent de ce beau nom : les Alliés, qui ont fait de sa cause la leur, qui lui appartiennent, ont vu, tandis que la haine allait à l’Allemagne, venir à eux la sympathie, la gratitude, et nous pouvons bien ajouter l’admiration et l’espoir du monde.

Chacun des Alliés, en même temps qu’il combat. pour son sol, pour sa liberté, pour sa vie, sent sa cause se fortifier et s’ennoblir, non seulement du concours prêté à ses compagnons