Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

osé préférer sa « Kultur, » mais qu’il ne lui appartient pas, qu’il ne lui sera pas permis de détourner de ses voies.

Si la bataille de la Marne a été, dans la campagne de France, le rétablissement stratégique qui a brisé sur notre front l’offensive allemande, la victoire des Alliés sera le rétablissement dans ses droits, sur les esprits, sur les âmes, sur les peuples, de la vieille et éternelle civilisation que l’Allemagne, comme un autre Xerxès ou comme un despote d’Assur, a pu, dans son impudence, défier et menacer, mais qui les rejette et leur survit. L’humanité n’a jamais accepté ceux qui l’ignorent, la méprisent ou la bravent. « Connais-toi toi-même, » disait la sagesse antique, qui enseignait ainsi la vraie méthode de la psychologie. Dans la psychologie des peuples, de même, la première règle, pour les connaître, est non pas de prétendre s’élever au-dessus d’eux, hors d’eux, mais de se retrouver en eux, comme de les retrouver en soi. C’est la sympathie, au sens original du mot, qui permet de les connaître tout ensemble et de les aimer. Et l’amour, quoi qu’en pense l’Allemagne, est, en même temps que la meilleure méthode de la connaissance, le plus sûr moyen de se faire aimer. Les Alliés ont aimé l’humanité et les peuples, ils les ont ainsi mieux connus et se sont fait aimer d’eux. L’Allemagne a fait juste le contraire : d’où les erreurs qu’elle a commises et la haine qu’elle inspire. Que le maréchal von der Goltz veuille bien voir dans cette simple constatation le mot de l’énigme qu’il paraît avoir tant de peine à résoudre.


A. GÉRARD.