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LE CONVOI DES « GRANDS BLESSÉS »
À TRAVERS LA FRANCE

Par ce matin d’automne, comme au mois de juillet dernier, l’ambulance d’Ambérieu, maternelle envers les blessés venant du front, envers les permissionnaires et les convalescens, s’est parée de drapeaux et de verdures pour accueillir les mutilés qui arrivent d’Allemagne.

Le train est annoncé. Les autorités, les officiers, les soldats, la foule, tous ceux qui attendent, se taisent. Minute de poignant silence. Une fumée tourbillonne sur les pans bleus de la montagne. Il apparaît. Il approche. Une longue clameur le précède. Avant de discerner les blessés, nous recevons leur salut : tous les képis rouges agités aux portières et les mains qui brandissent des fleurs.

Les premiers wagons ramènent les hommes étendus. Les couchettes, jonchées de bouquets, défilent très lentement. Sur les oreillers, de pâles figures sourient. Encore un... Encore un... Cinq wagons. Et voici venir la foule des soldats plus valides ; voici, pressés aux portières enguirlandées, tendus vers nous, impatiens, radieux, leurs visages...

Visages enfantins des plus jeunes, visages des territoriaux barbus, leur joie pareille les fait se ressembler, une joie plus belle d’être peinte sur des traits encore souffrans.

La longue perspective de ce train, paré de drapeaux et de roses, cette suite de wagons offrant les mêmes groupes de mutilés rayonnans, ces uniformes fripés tout chamarrés de