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Je revois un train de convalescens évacués d’un hôpital du front à qui nous distribuions des fruits et qui en redemandaient sans se lasser.

Une infirmière questionna l’un d’eux :

— Vous n’êtes pas des blessés... Vous êtes des malades... Qu’avez-vous donc ? Quelle maladie ?

Et le soldat répondit :

— Le typhus ! Nous avions tous le typhus, madame ! Nous avons jeté un cri.

— Le typhus ! Et nous qui vous avons donné tous ces fruits !

— Oh ! ça ne fait rien, madame ! ça ne fait rien du tout ! N’ayez crainte ! Ça ne nous fera pas de mal, allez !

Mais nous n’étions pas du tout rassurées. Et la directrice leur fit promettre de donner de leurs nouvelles.

A plusieurs reprises, elle me dit :

— Je suis bien inquiète de ces garçons...

Enfin les cartes arrivèrent. Ils allaient très bien et ils envoyaient d’enthousiastes remerciemens.

Et je me rappelle ce wagon de blessés qu’on détacha d’un convoi sanitaire et qui attendit, sur une voie de garage, tandis que l’on amenait à l’ambulance un voyageur trop souffrant, qui ne supportait plus son pansement. On eut le temps de servir dans ce wagon un repas complet, avec une distribution de fruits, de cigarettes et de chocolat. Les hommes ressemblaient à des enfans à qui l’on donne des friandises. Ils disaient :

— Ah ! nous nous rappellerons cet arrêt à Ambérieu !

Et lorsqu’ils nous voyaient courir le long de la voie pour leur chercher encore des fruits, ces garçons qui venaient des tranchées, qui allaient au-devant de l’opération, de l’amputation, peut-être, nous disaient :

— Que de peine vous prenez pour nous !

Cette parole, qui décèle un cœur si modeste et si tendre, que de fois nous l’avons entendue, dans la petite buvette de l’ambulance, alors que nous servions à souper aux permissionnaires, aux soldats en congé de convalescence, le soir, entre deux trains, ou avant de les conduire au dortoir !

— Que de peine vous prenez pour nous !

On voudrait leur dire :

— Nous serions heureuses que vous nous coûtiez de la