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V

Nous avons vu quelle importante fraction de la flotte marchande coopère activement aux opérations militaires. Celle qui reste à ses armateurs rend, ainsi que nous l’avons dit, des services indirects à la Défense nationale. En outre, étant donnée la tournure prise par la guerre sous-marine, presque tout navire qui navigue est actuellement devenu un centre, sinon d’offensive, du moins de défensive navale. Après avoir résisté longtemps aux suggestions des capitaines qui lui demandaient d’armer leurs navires, le ministre de la Marine, poussé à bout par les crimes des submersibles allemands, s’est enfin vu contraint de munir les vapeurs voyageant dans les zones fréquentées par les flottilles ennemies, d’un armement de défense. Les Anglais avaient commencé longtemps avant nous ; mais notre état-major avait estimé que cet armement présentait « plus d’inconvéniens que d’avantages. » À la suite des torpillages opérés en Méditerranée sans avertissement[1], la Marine dut revenir sur ses premières idées. Des canons légers ont été placés sur le gaillard et sur la poupe de nos paisibles cargo-boats, et on a embarqué à bord un noyau d’artilleurs qui ne doivent intervenir que pour riposter à une agression. Les vapeurs qui ne possédaient pas de T. S. F. ont autant que possible été pourvus d’un appareil d’émission, notamment ceux qui transportent des passagers.

Les maîtres du droit international enseignaient avant la guerre que, s’il était fait emploi de la torpille contre un paquebot, cet attentat « provoquerait immédiatement une ligue de neutres. » Nous berçant sans doute de cette illusion, nous n’avions rien préparé dans le sens de l’armement de nos navires de commerce ; il a donc fallu improviser cet armement, ce qui ne va pas sans de sérieuses difficultés. Les calibres qui conviendraient le mieux à la résistance seraient les pièces de 100 millimètres. Or, nous en possédions peu dans nos arsenaux, et il ne faut guère songer à en forger de nouvelles, les besoins de l’armée de terre passant avant ceux de notre marine marchande.

Quoi qu’il en soit, ce qui a été fait suffit à rendre nos vapeurs

  1. Ex. : l’Aude, la Ville-de-Mostaganem, le Sidi-Ferruch, etc,