Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

redoutables aux sous-marins austro-allemands. Par les renseignemens qu’ils nous donnent, grâce à leur T. S. F., sur les mouvemens de l’ennemi, par l’action d’artillerie qu’ils sont à même d’engager, les paquebots participent à la lutte implacable que nous avons déclarée aux flottilles impériales.

Ce sont nos adversaires qui seront responsables devant l’histoire d’avoir ainsi ramené la guerre sur mer aux dernières limites de la barbarie humaine. C’est vraiment une chose déconcertante de penser qu’après plus de deux siècles de spécialisation à outrance, navires de commerce et navires de guerre se confondent, aux yeux de l’ennemi, en un même objectif de destruction. Toutes les conquêtes du droit, tous les efforts d’une diplomatie désireuse d’atténuer les conséquences du drame qui déchire les nations, se trouvent anéantis d’un seul coup.

Il me reste à dire quelques mots de certains services accessoires que la marine marchande rend à la Défense nationale. Elle a permis tout d’abord au début de la guerre de mener a bien la mobilisation du 19e corps. Celui-ci a pu être transporté sur le front de Belgique avec une rapidité qui a surpris tout le monde. Dans un rapport du 26 mars 1915 sur les réquisitions [1], M. Bouisson, député des Bouches-du-Rhône, indique que pendant le seul mois d’août la Compagnie Transatlantique a effectué 78 voyages de mobilisation transportant 48 762 passagers de la guerre vers la France et 16187 vers l’Algérie-Tunisie ; soit un total de 65 000 passagers. Du 1er août au 31 décembre 1914, la Compagnie générale Transatlantique a transporté plus de 100 000 passagers militaires sur les seules lignes de la Méditerranée. Sur ce même réseau, elle a assuré le transport de 7 750 chevaux, 400 voitures et camions automobiles, 37 655 tonnes de céréales, 16 390 tonnes de matériel divers. Nos Compagnies de navigation ont réalisé un effort analogue entre la métropole et les colonies, avec lesquelles nous continuons à entretenir par mer des relations difficiles, mais constantes.

On attachait jadis avec juste raison une grande importance au fait que la marine marchande était la pépinière des matelots. J’ai montré que cette question avait perdu beaucoup de son intérêt [2]. Cependant, on peut toujours considérer que la flotte de commerce est indispensable pour procurer à nos escadres

  1. Ce rapport a été rendu public.
  2. Voyez la Revue du 1er février 1916.