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citer une foule de cas où, semblablement, « des oiseaux, des chats, des chiens favoris ont été tués de sang-froid par des Allemands, tantôt afin de vexer les possesseurs de ces pauvres créatures, et tantôt, simplement, par plaisir de tuer. »

Quoi d’étonnant que de tels ennemis se soient bientôt attiré, de la part des Russes en général et notamment des Cosaques, de dures « représailles ? » M. Morse nous apprend que, le soir du 26 août 1914, après une sanglante défaite des Allemands, ceux-ci ont empêché les Russes de secourir les blessés en tirant obstinément sur tout infirmier porteur des insignes de la Croix-Rouge. « Les cruautés sans nom accomplies sur nos blessés par les Allemands, et qui nous étaient assez clairement révélées par les cris, supplications, et imprécations des victimes, ont fini par éveiller chez mes Cosaques un tel désir de vengeance que je sais qu’il y a eu du moins une partie du champ de bataille où pas un blessé allemand n’est resté en vie. Mais je dois déclarer que, après que j’ai vu amener à notre ambulance deux Russes ayant les yeux arrachés, ainsi qu’un troisième à qui l’on avait coupé le nez, les oreilles, et la langue, je me suis senti incapable d’émettre un seul mot de protestation contre ces représailles. Les Allemands envoyés sur le front russe me sont vraiment apparus des êtres d’une férocité bestiale, ou même diabolique ; et je jure qu’ils ont pleinement mérité tous les traitemens qu’ont pu leur infliger des adversaires connus pour être d’humeur peu accommodante ! »

« Jamais durant tout mon séjour dans l’armée russe, nous affirme encore le volontaire anglais, jamais je n’ai vu ni appris qu’un soldat de cette armée eût causé le moindre mal à une femme ou à un enfant. » En cela comme en bien d’autres choses, la différence était grande entre le soldat russe et son adversaire. Presque de page en page, le livre de M. Morse évoque devant nous une série d’ « atrocités » dépassant, à coup sûr, toutes celles qui nous ont été signalées sur notre a front » de l’Ouest. Chaque jour, l’auteur est contraint d’assister à des scènes comme les suivantes, — que je prends un peu au hasard, tout au début du livre :


La région voisine de Prasnycz, que nous traversâmes le 17 août, avait été parcourue avant nous par les Allemands, et nombreuses y étaient les traces de leur passage. Toutes les jeunes femmes avaient été outragées, et presque toutes les vieilles cruellement maltraitées. Les hameaux, les fermes isolées, tout cela avait été incendié. Souvent les ruines fumaient encore ; et Dieu sait ce que l’on avait fait des habitans. Quelques-uns, en tout cas, avaient été tués : car nous avons trouvé le corps d’une femme