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allemand continue de baisser, dans les pays Scandinaves comme à Amsterdam, et à Genève comme à New-York. Les matières premières dont elle alimentait son industrie, elles-mêmes, se font rares. Dire et répéter cela, c’est dire sûrement la vérité, d’un ton probablement au-dessous de la vérité.

Raisons graves aussi d’ordre diplomatique : l’hésitation même de la victoire, promise à grand fracas, fait hésiter les neutres, et certains alliés qui se fatiguent à mesure que la décision s’éloigne : qui sait si elle ne pourrait, par une espèce d’effet contraire, déterminer à l’action hostile des Puissances qui se réservaient par crainte plus que par sympathie, et qui, tenues, dans l’orgueil de la force, pour secondaires, seraient capables, à l’heure où la Fortune penche, de fournir l’appoint, de donner la chiquenaude qui la précipiterait ? Point de temps à perdre : il faut les arrêter, en frappant un coup dont la terre tremble. D’autant plus, et voici des raisons militaires, — pourquoi n’y en aurait-il pas ? — d’autant plus que la prise d’Erzeroum par les Russes et les opérations qui l’ont suivie, celles qui vont amener vers Trébizonde, sur les rivages de la Mer-Noire, les cosaques du grand-duc Nicolas, et qui, au pays de l’aurore, marquent pour les bons guetteurs le lever d’un autre soleil, ont fait ou inclinent à faire, dans l’Orient le plus proche, changer de camp la peur et le sourire. Pour ceux-là mêmes dont il n’y avait point à transformer les sentimens, la tournure et l’allure des événemens modifient, fortifient les possibilités. Sous l’empire de ces préoccupations, en face de Salonique occupée solidement par les Anglo-Français, de Vallona défendue par les Italiens, de l’armée serbe reposée, réorganisée à Corfou, de l’armée roumaine chaque jour plus complètement mobilisée, de l’armée grecque impatiente de l’injure bulgare, le coup de Verdun, à l’autre extrémité de l’Europe, qui dans une si grande catastrophe est toute petite, serait la réponse, le défi, le gros juron de l’Allemagne, riche en jurons horrifiques et prodigue de la menace de son poing.

Laquelle de ces raisons est la bonne ? ou lesquelles ? ou toutes ensemble ont-elles poussé l’Allemagne à choisir ce moment, quelque peu indiqué qu’il parût par la météorologie ? Mais justement ne l’a-t-elle pas choisi parce qu’il n’était pas indiqué ? En avançant le printemps, en décrétant qu’il s’ouvrirait militairement au mois de février, n’a-t-elle pas songé surtout à devancer l’offensive concertée que les Alliés, dont le conseil de guerre commun devait se réunir en mars, lui promettaient pour le printemps vrai ? De même, quant au choix du lieu. Les experts se demandent encore si l’attaque de Verdun n’est