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contre le mur. Au lieu du cirque et de la cage, je verrais assez bien une salle de jeu. Il est tard ; voici les dernières parties, la dernière occasion de « se refaire, » de sauver sa mise. Le coup de Verdun est pour l’Allemagne ce qu’est pour le joueur le coup de quatre heures du matin.

Mais s’il en est réellement ainsi, quel jour jeté sur sa situation ! Comme les raisons politiques de son va-tout militaire s’accusent et s’imposent ! Elle n’a plus qu’une carte à abattre : l’aube blanchit, elle est obligée d’aller vite. Seulement, nous, nous ne sommes point obligés de brûler de sa fièvre. Nous avons appris depuis vingt mois que nos deux principaux alliés sont l’espace avec la Russie et le temps avec l’Angleterre. Tout en les aidant de notre mieux, nous pouvons patiemment les laisser travailler. Pour dire les choses comme elles sont, sans exagération et sans atténuation, les Allemands se sont un peu rapprochés de Verdun : il leur en a coûté des pertes effroyables Mais nous les contenons, nous nous maintenons, nous tenons.

Longwy, Mangiennes, Damvillers, Vauville, Ormont, Samogneux, Malancourt, Clermont-en-Argonne, Maisons-de-Champagne, Massiges, Somme-Tourbe, tous ces noms apparaissent en août et septembre 1792. Et c’est le 22, après Valmy, — qu’est-ce que les dix mille coups de canon tirés alors de chaque côté ? — que Goethe écrivit la page demeurée célèbre : « Ainsi s’était écoulé le jour ; les Français restaient immobiles... On rappela nos gens du feu, et ce fut comme s’il ne s’était rien passé. La plus grande consternation se répandit dans l’armée. Le matin encore, on ne parlait que d’embrocher et de manger tous les Français... Maintenant, chacun paraissait rêveur ; on ne se regardait pas, ou, si cela arrivait, c’était pour détester et maudire. A la nuit tombante, nous avions par hasard formé un cercle, au milieu duquel un feu ne put même être allumé comme d’ordinaire. La plupart se taisaient ; quelques-uns discouraient... Enfin, on m’interpella... Je répondis : « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l’histoire du monde, et vous pourrez dire : « J’y étais. »


Tandis que, chez nous, elle contracte à l’extrême et crispe son visage de violence, en Suisse, l’Allemagne découvre une autre de ses faces. On la sentait derrière la porte du prétoire du tribunal militaire de Zurich où s’est débattu le procès des colonels Egli et de Wattenwyl. Ces officiers étaient poursuivis pour avoir : 1° le colonel Egli, en sa qualité de sous-chef de l’état-major de l’armée fédérale, communiqué aux deux attachés militaires d’un des groupes de Puissances belligérantes tout ou partie des bulletins quotidiens de la section des renseignemens