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Ce fut donc une raison pour le public, en général, de croire plus que jamais à l’efficacité du volontariat. Mais, dès ce moment, les gens du métier, les professionnels, les experts, sentirent la nécessité d’une armée nationale où tous les citoyens seraient soldats. Le commandant en chef de l’armée d’Afrique, lord Roberts, se mit à la tête du mouvement. Il entreprit avec beaucoup de courage une campagne oratoire, pour réconcilier la nation avec l’idée du service universel. Malgré le respect et l’admiration qui entouraient cette haute personnalité militaire, il ne réussit qu’à moitié et convainquit seulement ceux qui étaient convaincus d’avance. J’en vois la preuve dans ce fait que ni l’un ni l’autre des deux partis, occupés alors comme ils l’étaient par la défense et par l’attaque de la Chambre des Lords ou par la question des tarifs douaniers, ne se risqua à inscrire sur son programme la réforme de l’armée. Le ministre de la Guerre d’alors, lord Haldane, si amèrement critiqué depuis, proposa et mit en pratique un système intermédiaire, qui substitua les territoriaux aux volontaires. Ces territoriaux étaient soumis à un plan uniforme et rattachés à l’armée régulière. Les choses en étaient là lorsque la guerre éclata. L’Angleterre jeta immédiatement sur le sol de France la plus grande partie de son armée régulière, fournie par le recrutement habituel, qui se faisait au coin de certaines rues où stationnaient des sous-officiers de toutes armes, chargés de ce service. En mettant à part la milice et la yeomanry, cette armée ne comptait pas plus de 170 000 hommes, et ce sont ces hommes-là qui nous ont aidés à repousser l’ennemi de l’Ourcq sur la Marne et de la Marne sur l’Aisne. Les territoriaux, engagés pour le service intérieur et pour la défense du territoire anglais, se sont, presque tous, proposés pour servir sur le continent, et leur nombre (ils n’étaient pas 200 000) fut immédiatement triplé ou quadruplé par des enrôlemens spontanés. Je dirai, pour n’y plus revenir, qu’ils ont plus que justifié les espérances fondées sur eux et qu’ils se sont comportés au feu comme de vieux soldats.

Ce n’est pas tout : de nombreuses recrues se sont présentées pour répondre à l’appel du ministre de la Guerre : elles formèrent ce qu’on a appelé la nouvelle armée ou l’armée de Kitchener. Au mois de septembre 1914, j’ai vu passer dans les rues de Londres plusieurs bandes de ces conscrits, qui n’avaient