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passans dès les premiers jours de 1814, lorsqu’ils apercevaient les prêtres catholiques ; vous attendez donc que nous vous donnions la chasse. Un pasteur parlait du chancre rongeur qui dévorait Genève depuis quinze ans. Un autre déplorait qu’on y eût fait revenir l’impur limon dont la Réforme l’avait nettoyée ; et des projets s’étudiaient pour expulser de Saint-Germain les catholiques que la France y avait installés.

L’abbé Vuarin veillait ; et dans les premières semaines de janvier 1814, partirent de Genève, vers le quartier général des Alliés, d’une part des diplomates dépêchés par le gouvernement provisoire, et d’autre part Vuarin. Le curé, qu’aucune étiquette ne paralysait, chevauchait plus vite que les diplomates. Ils se croisèrent à Bâle, le 16 janvier, dans l’antichambre des empereurs de Russie et d’Autriche et du roi de Prusse ; mais avant cette date, Vuarin, blotti dans le traîneau d’un pope qui s’en allait rejoindre en Franche-Comté l’état-major des armées alliées, avait eu déjà le temps de rendre visite au prince de Schwarzenberg, leur général en chef, et d’obtenir de lui deux lettres, l’une pour Metternich, alors à Bâle, l’autre pour Bubna, à Genève. L’avenir du catholicisme genevois était dès lors assuré de la protection des Puissances. Vuarin, l’été suivant, s’en fut d’ailleurs à Paris, pour faire de nouvelles démarches auprès des plénipotentiaires de l’Europe et pour se confirmer dans la certitude que l’obligation d’être tolérante, imposée par Napoléon à la Genève de Calvin, continuerait de peser sur elle, par la volonté des Alliés vainqueurs de l’Empire. A travers deux siècles et demi, Genève politique s’était si étroitement identifiée à l’Eglise protestante, que l’Eglise catholique genevoise, concurremment avec les plénipotentiaires de Genève, devait poursuivre pour elle-même, en son propre nom, une action diplomatique ; cette Eglise qualifiée d’intruse et qui, dans l’humble temple de Saint-Germain, se sentait à peine chez elle, insérait ainsi ses propres négociations dans l’histoire des destinées genevoises et devenait, à sa façon, une ouvrière de ces destinées.

Qu’allaient donc faire de Genève les » syndics et conseil provisoire » et les plénipotentiaires de l’Europe ? II apparut, dès l’été de 1814, que Genève allait entrer dans la Confédération suisse, et, pour y faire figure, recevoir quelques territoires des alentours. Le mandement de Poney, qui lui appartenait,