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aujourd’hui envahis, — sont évalués au 1er janvier 1914 à 5 417 000 hectares et au 1er janvier 1916 à 4 622 000 hectares seulement. Que les permissions agricoles, accordées sur une large échelle dans la zone de l’intérieur ou dans les dépôts, et que d’autres mesures administratives aient pour effet de réduire dans l’avenir l’étendue des sols demeurés incultes, on peut l’espérer. Il est certain que, dans le passé, la pénurie de froment aurait eu depuis vingt mois une influence néfaste sur les prix. Décréter un taux maximum n’eût servi de rien ; l’on n’a même pas obtenu la suppression du pain de fantaisie à Paris, sauf chez les petits boulangers, incapables d’en faire parce qu’ils manquent de personnel ; les prix se moquent de l’état de siège, comme ils se sont moqués depuis des siècles de tous les gouvernemens libéraux ou despotiques.

Lors même que rien ne serait libre en un Etat, le prix des choses le demeurerait néanmoins et ne se laisserait point asservir : quant à ceux qui pensent pouvoir influer sur les prix par des arrêtés ministériels ou préfectoraux, imités des Édits innombrables de nos anciens rois sur la matière, ils ressemblent à des gens qui s’imagineraient élever la température en chauffant le thermomètre. Les prix sont des signes ; ils obéissent à une « Loi » que l’on aurait peine à abroger : la loi de l’offre et de la demande.

Ce n’est pas du tout parce que l’Etat a fixé à 30 francs le prix du quintal de blé que ce prix a été observé et que le cours du pain est demeuré stationnaire ; mais c’est parce que le gouvernement s’est chargé de fournir lui-même à un prix correspondant, aux meuniers et aux boulangers, le grain et la farine qu’il achetait à l’étranger : 3 millions de quintaux de farine et 16 715 000 quintaux de froment ont été importés en 1915, la plus grande partie des Etats-Unis et d’Argentine, 1 million seulement venait de Russie par Arkhangel, 1 100 000 d’Algérie et de Tunisie. Ces quantités, comparées aux 15 656 000 quintaux de la même céréale introduits dans la dernière année de paix (1913), n’ont rien d’excessif ; mais le système d’achat s’est heureusement inspiré de la période critique où nous sommes.

Au lieu de laisser des fournisseurs indépendans créer la hausse à son détriment, en enchérissant à l’envi les uns des autres sur les marchés d’origine et dans leurs contrats avec les armateurs, l’Etat français a écarté le commerce libre en rétablissant