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à l’état de tissus ou de fils, mais il est entré 2 millions 200 000 quintaux de moins à l’état de laine brute, c’est-k-dire le quart seulement de ce que nous importions. Or nous avons depuis deux ans consommé plus de laine ; il s’en est porté, usé et perdu plus au front des armées que d’ordinaire dans la vie civile.

La même remarque s’applique au linge ; les chemises de soldats ou les caleçons militaires ont absorbé surtout du coton ; le peu de chanvre et de lin que nous avons reçu a servi aux tentes, aux sangles, aux bretelles de fusil, et autres besoins de l’intendance et des hôpitaux. Les Allemands s’étaient emparés de tous les stocks de fils et de toiles existant dans le Nord de la France et en Belgique, d’où les filatures ont presque disparu ; les 1 120 000 quintaux de lin, que la Russie nous fournissait, ont manqué. Sur le chanvre, le déficit de 230 000 quintaux, broyés, peignés ou en étoupe, ne pourrait être compensé par les 300 000 quintaux de sacs en jute, importés pour les tranchées en 1915.

Si bien que le fil de lin est, suivant sa finesse (sec ou mouillé), trois et quatre fois plus cher ; les toiles de ménage, à chaîne coton et trame fil ou inversement, ont plus que doublé, et un torchon pur fil devient chose précieuse. Nous revenons, en fait de linge, sinon à la pénurie de l’ancien régime où les serviettes, nappes et mouchoirs, étaient un luxe, du moins aux prix d’il y a un demi-siècle avant la révolution des industries textiles. Et nous n’avons pas, comme nos aïeux, la consolation d’avoir les chaussures presque pour rien ; car, elles aussi, ont monté de 40 pour 100 ; et elles auraient augmenté bien davantage, faute de cuir, si l’Etat n’avait importé l’an dernier du dehors 102 000 selles pour notre cavalerie et 5 millions 200 000 paires de bottines ou souliers brodequins pour nos soldats.


VI

L’augmentation des prix du vêtement et de la nourriture tient pour partie à l’absence de main-d’œuvre et pour partie à la suppression des moyens de transport ; cette seconde cause est le facteur principal dans le chapitre du chauffage et de l’éclairage. Un simple calcul permettra de saisir le rôle capital de la question transports dans notre vie nationale : avant la guerre.