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Les vêtemens civils tout faits, dont les stocks de l’été 1914 subsistent encore invendus dans les rayons de la nouveauté, les complets à 49 francs pour hommes ont le rare privilège de n’avoir pas enchéri. Pour les femmes, la mode a ses exigences qui les contraignent inopportunément à revenir à l’ampleur : elles sont passées, d’un costume étroit et long, à des jupes courtes et larges qui, au lieu 1 m. 40, absorbent 3 m. 60 d’étoffe ; juste au moment où le drap souple, dans lequel sont coupés les costumes tailleur, a haussé de 3 fr. 75 à 7 francs. Les dames pourtant savent se restreindre sur le luxe ou le demi-luxe ; dans une série de modèles de 200 francs à 20 francs, les grands magasins ont beaucoup moins de débit que précédemment pour les premiers, et bien davantage pour les seconds. Par les chiffres seuls on mesure mal la distance réelle entre la valeur intrinsèque des marchandises nouvelles et la valeur de celles qu’elles prétendent remplacer ; l’on s’est en effet ingénié à diminuer la qualité pour ne pas augmenter le prix : au lieu de faire cinq lots gradués dans une balle de coton, on n’en fait plus que trois ; on atténue la hausse en mélangeant au premier choix des substances un peu inférieures, et l’on opère ainsi du haut en bas de l’échelle.

Lorsqu’il s’agit par exemple des flanelles fantaisies, dites Mic-Mac, mélangées de coton, employées à la confection des corsages et des jupes, le prix a simplement doublé (de 1 fr. 05 à 2 fr. 10) parce qu’on a pu mettre en œuvre des matières moins pures, surtout dans le noir ; de même, la draperie foulée pour hommes n’a haussé que de 5 à 8 fr. 50, grâce à l’usage de laines plus communes, qui servaient antérieurement à faire des feutres ou des tapis. Mais pour la flanelle « irrétrécissable » cotée pure laine, — elle contient en réalité 8 à 10 pour 100 de coton, qui précisément a pour effet de l’empêcher de rétrécir, — comme sa nature n’a pas changé, son prix est monté de 0 fr. 85 à 2 fr. 25.

Ici la hausse de la matière première, de la toison du mouton d’Argentine ou d’Australie, agit autant que le fret et, pour les laines travaillées en France, autant que la façon, filage et tissage, dont tous les élémens (huile, savon, combustible et main-d’œuvre) sont doublés. Manufacturée ou non, la quantité de laine dont nous disposons est d’ailleurs bien réduite depuis la guerre : il est entré 340 000 quintaux de plus qu’en 1913,