Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/618

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la manutention seule exige, pour la mise en sacs, un personnel de 250 ouvrières. De pareilles ventes au détail, à prix réduit, méritent d’être encouragées ; elles sont aussi utiles peut-être que les distributions gratuites faites par la Ville de Paris d’un stock de 200 000 tonnes de charbon, que les pauvres admis à cette aumône vont prendre sur place par quantités de 50 kilos, contenant moitié poussier.

Le prix du charbon tel qu’il est vendu au public dépend en effet de la plus ou moins grande quantité de houille française, que le gouvernement concède aux marchands : celle-ci coûtait avant la guerre 15 francs la tonne, à peu près, sur le carreau de la mine. Par suite des renchérissemens du boisage des galeries et autres frais supplémentaires non spécifiés (?) que les mines en exploitation ont déclaré leur incomber, le Comité des houillères, d’accord avec l’Etat, a porté le prix de vente à 35 francs, puis tout récemment à 40 francs la tonne. C’est à ce taux que sont servis : les chemins de fer d’abord et naturellement toutes les usines intéressant la défense, les hôpitaux et formations militaires ; par égard pour les habitudes locales, les industries situées au voisinage des mines, verreries, meuneries, fonderies, ont continué à recevoir leur combustible habituel. Pour atténuer les pertes que font les Compagnies de gaz, on leur alloue une part de leur consommation, — celle de Paris reçoit de Bruay le quart de la sienne : 1 000 tonnes par jour, — le stock disponible est ensuite réparti entre les marchands et les particuliers, suivant des règles dont un Comité officiel s’efforce de bannir tout arbitraire.

Avouerai-je qu’il n’y a pas toujours réussi ? Au moyen d’ « ordres de priorité, » qui absorbent en fait la totalité de l’extraction nationale, l’Etat se trouve investi du privilège redoutable d’avantager de 40 francs par tonne, — chiffre constituant l’écart entre les charbons anglais et français, — ceux à qui ces « ordres » sont accordés. Certains bénéficiaires en ont fait trafic ; certains négocians ont revendu au prix de la houille britannique celle qu’ils avaient obtenue de France. L’administration réprime de son mieux ces abus que l’on éviterait, croyons-nous, en faisant connaître au public le détail des quantités réparties. L’Etat achète lui-même du combustible anglais, des cokes notamment pour nos aciéries, — 5 000 tonnes par mois sont expédiées au Creusot, — et il se charge du