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pour ainsi dire pas cessé de marcher. Sans doute nous recevrons bientôt ici des agens de liaison du …e et des chasseurs à pied qui prononcent sur cette position des attaques concentriques avec la nôtre. Ce seront probablement leurs attaques qui, prenant le fortin à revers, le feront tomber. J’irai à ce moment me mettre à la disposition du colonel du ...e, qui doit prendre la direction de l’ensemble de l’opération.

Pendant quelques instans, le bombardement s’est arrêté, et je me laisse aller à contempler la beauté de cette nuit de juin. Je cherche les noms des constellations qui étincellent au-dessus de nos têtes. Quel contraste entre cette sérénité et les scènes de douleur dont nous sommes entourés !

« Les Boches nous attaquent ! » Ce cri me réveille en sursaut. Avec un adjudant qui se trouve près de moi, je mets mon revolver à la main et je monte sur le talus, m’écarquillant les yeux dans la direction du petit poste qui vient de donner l’alarme. Le commandant donne l’ordre de faire partir des fusées. La première, mal orientée, part obliquement et pique du nez dans la barricade, qu’elle couvre d’étincelles.

Enfin une deuxième fusée monte en serpentant et éclate dans le ciel. Pendant quelques secondes, nos regards peuvent explorer le terrain qui s’étend entre nous et le Bois en Hache. Devant nous, çà et là, des lignes sombres se déplacent rapidement. Mais est-ce que ce sont des troupes en formation d’attaque, ou bien tout simplement les hautes herbes qui ondulent sous le vent ? On fait partir de nouvelles fusées. Une attaque de ce côté pourrait avoir de graves conséquences. Le Chemin Creux n’a devant lui aucune défense accessoire. Comment aurait-on apporté les rouleaux de fil de fer barbelé, les piquets, les chevaux de frise, tout cet encombrant matériel, alors que le ravitaillement est si difficile et si précaire qu’on parvient à peine à faire passer les vivres et les munitions ? Si, à la faveur de cette situation, les Allemands peuvent prendre pied dans le Chemin Creux, ils coupent l’unique ligne de communication des quatre compagnies qui sont engagées dans l’attaque de la route de Béthune. Sans doute il y a, à la Tranchée des Saules, un bataillon de réserve, prêt à accourir au premier appel. Mais comment le préviendrions-nous ? Combien de temps lui faudrait-il pour arriver jusqu’ici, sous ces tirs de barrage qui couvrent d’obus la piste qu’ils auraient à suivre pour venir de la Tranchée des Saules ?