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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/667

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Heureusement, nous en sommes quittes pour une alerte. Les patrouilles envoyées en reconnaissance ne rencontrent pas de troupes ennemies dans la direction du Bois en Hache. Mais, en revanche, de mauvaises nouvelles arrivent du côté de la route de Béthune. La compagnie de S... a été arrêtée devant la tranchée... par les mitrailleuses et le feu violent de l’artillerie ennemie. S... l’a reformée et l’a reportée à l’attaque, mais il vient d’être tué et sa compagnie se replie sur ses positions. Nous ne nous sentons soutenus ni par le ...e, ni par les chasseurs à pied, dont nous n’avons aucune nouvelles, bien que, sur notre droite, nous ayons envoyé à leur rencontre des patrouilles de liaison.

Peut-on, dans ces conditions, laisser la compagnie de G... en flèche dans le fossé de la route de Béthune, à deux cents mètres en avant de nos lignes ? Il est deux heures. Nous touchons à la fin de cette courte nuit du solstice, et déjà, vers l’Est, apparaît une légère clarté. Quand le jour sera levé et que cette compagnie, encore insuffisamment retranchée, sera prise en flanc par les mitrailleuses du fortin X... et de dos par le feu des batteries situées derrière le Bois en Hache, que restera-t-il d’elle ? Le commandant décide de la ramener vers Y... en avant de son point de départ, sur une position où elle pourra s’installer fortement et se tenir prête à se reporter sur la route, si le ...e et les chasseurs à pied poussent jusque là. Afin d’empêcher les Allemands d’amener des renforts, et de faire une contre-attaque, je vais demander à l’artillerie d’exécuter des tirs de barrage en avant de la station de Souchez. Je ferai également envoyer des cartouches, car notre approvisionnement s’épuise.

Je remonte le Chemin Creux, sur le talus duquel nos hommes sont toujours couchés, le visage tourné vers le Bois en Hache. Les obus ne cessent d’y pleuvoir et leurs éclats déchirent l’air avec un cri aigu. En arrivant à V... près des voitures, j’entends s’écrier à côté de moi : « Ah ! les bandits ! ils m’ont coupé le pied. » Je reconnais la voix de P... un des hommes de liaison que j’ai été chargé d’instruire. Un éclat d’obus vient de lui arracher une semelle en lui coupant la plante du pied. Mais il me suit en se traînant sur les genoux pour s’échapper de cet enfer.

Nous arrivons à ... où notre chemin est traversé par un