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dessus sa table, le président Marcora l’attirait à lui, en disant : « La voilà, messieurs, l’antique fibre ! » Il n’y avait plus qu’à recueillir les fruits de la victoire. M. Salandra a posé la question de Cabinet. 391 voix ont répondu oui, 6 seulement ont répondu non. Jamais confiance n’a été mieux placée. D’abord, à cause de la valeur des hommes : M. Antonio Salandra, professeur de droit administratif à l’Université de Rome, souple et robuste intelligence, rompue à toutes les études techniques et générales, historiques, critiques, littéraires, de qui le recueil d’essais, récemment publié sous le titre : Politique et législation, évoque, sans en être affaibli, — et c’est tout dire, — les Problèmes contemporains de Canovas del Castillo ; M. Salandra, député depuis vingt-huit ans, quatre fois ministre ou sous-secrétaire d’État, dont la tenue à la présidence du Conseil a été une révélation, et supporte, — c’est tout dire encore, — sans en être accablée, la comparaison avec la grande mémoire de Cavour ; — M. Sidney Sonnino, qui, au sortir de l’école, médita sur les misères de la Sicile, plus tard se rendit familier l’immense domaine des matières de la vie publique moderne, diplomatie, administration, finances, et s’arma autant qu’il s’orna d’un savoir encyclopédique capable de penser sur toute chose et d’en parler, — ou de s’en taire, — en toute langue ; qui entre vivant dans l’histoire, par la porte de la légende, l’index collé sur les lèvres comme la statue du Silence, — mais de la part de qui ce geste exprime uniquement qu’il dédaigne de confondre l’éloquence avec la volonté ou l’action. En renvoyant au 6 avril la suite de leurs séances, les Chambres italiennes ont donné clairement, aux deux ministres qui vont représenter leur pays à la Conférence des Alliés, un mandat en blanc, un blanc-seing. Ils sont les maîtres, au départ, d’élargir ou de ne pas élargir la guerre, comme ils seront, au retour, les maîtres d’élargir ou de ne pas élargir le Cabinet. On leur saura gré ici de ce qu’ils feront ; en Italie, on ne leur demanderait compte que de ce qu’ils n’auraient pas fait. Et par eux-mêmes, et par l’appui du Parlement et de l’opinion, ils jouissent d’un crédit illimité. La vaillance tranquille avec laquelle ils assumèrent les responsabilités d’hier les engage à ne se détourner ni du devoir d’aujourd’hui, ni de la tâche de demain.


Comme la Chambre italienne, le Reichstag allemand, convoqué le 15 mars, s’est séparé jusqu’au 4 avril, laissant à sa Commission du budget le soin d’entendre ce qu’il lui a semblé pénible d’écouter ; mais il n’a pas marqué vers M. de Bethmann-Hollweg l’élan que la