Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/727

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VAUCROIX.

Maintenant, avec des précautions... Dame ! il ne me faudrait pas sortir par cette neige, (il montre la fenêtre.) Quand même, je ne désespère pas de me remettre assez pour en être, moi aussi, du coup de chien... Mais, dis-moi, puisque tu m’as cru mort, tu as envoyé ma lettre ?

LABRUNIE.

Non. (Il tire une enveloppe de sa poche.) Et justement, si je reviens ce matin, c’est pour te la rapporter. Elle ne m’a pas quitté depuis te jour où tu me l’as remise avant de partir pour cette reconnaissance d’où tu n’es rentré que d’hier. Elle est salie et froissée. Mais, tu vois, la double enveloppe est intacte. C’est même à cause de cette double enveloppe que je ne l’ai pas envoyée.

VAUCROIX, prenant la lettre.

Pourquoi ?

LABRUNIE.

Je me suis dit : « Si Vaucroix m’a remis une lettre à faire tenir, en cas de malheur, c’est que le ou la destinataire joue un grand rôle dans sa vie. Il a pris soin de mettre l’enveloppe sur laquelle il y a l’adresse, sous une autre enveloppe qui n’a pas d’adresse. Donc il désire que, lui vivant, je ne connaisse pas un certain nom. Je ne suis pas absolument sûr qu’il soit mort. J’obéis à sa volonté en ne déchirant pas l’enveloppe blanche et en n’apprenant pas le certain nom. »

VAUCROIX, lui serrant la main.

Il n’y a que le soudard, comme nous t’appelions au collège, pour avoir de ces délicatesses, (il jette la lettre dans le feu, tout en parlant.)

LABRUNIE.

Tu brûles cette lettre ? Ça me fait bien plaisir, Pierre. C’est donc fini ?

VAUCROIX.

Que veux-tu dire ? Qu’est-ce qui est fini ?