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LABRUNIE.

C’est que Vaucroix est arrivé d’hier, et...

BERNARDINE.

Justement. Il a tant besoin d’avoir des nouvelles de France, de l’armée, de vos camarades, de tout et de tous ! Moi, je suis une sauvage, et je ne peux guère lui en donner. Acceptez, capitaine. Vous lui ferez du bien.

LABRUNIE.

Alors, j’accepte.

VAUCROIX.

Finis vite les courses dont tu m’as parlé, et rapplique vers midi. N’aie pas peur d’être en retard. Nous t’attendrons.

LABRUNIE, saluant Bernardine.

Madame... A tout à l’heure, Pierre.


SCÈNE TROISIÈME
BERNARDINE, PIERRE VAUCROIX.
VAUCROIX.

Cela ne vous contrarie pas que j’aie prié Labrunie pour notre premier déjeuner en famille ?

BERNARDINE.

Non. Ce que je lui ai dit, je le pense. Après ces quatorze mois d’exil, c’est si naturel que vous ayez besoin de reprendre contact avec le monde ! Et puis, j’ai vu combien il vous aimait, dans ses visites pour demander de vos nouvelles.

VAUCROIX.

Ah ! c’est la fidélité même. J’avais bien des torts envers lui. Dix ans passés sans lui écrire, quand au collège nous étions intimes, deux frères ! Mais voilà : il était dans sa garnison, moi à l’étranger, puis dans ce Paris où l’on n’a le temps de rien... Ça vous prend le cœur, un ami que l’on retrouve après ces négligences, exactement le même, qui n’a pas un mot de reproche, par une arrière-pensée.