Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/745

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aies ton hôtel à Paris, ta villa à Biarritz, ta vie, comme tu dis. Cette vie, tu la leur dois.

JULIE.

Mais je leur en suis très reconnaissante.

VAUCROIX.

Et tu ne leur sacrifierais pas un de tes plaisirs.

JULIE.

Qu’est-ce que tu veux dire ?

VAUCROIX.

Rien. J’ai tort de te parler de certaines pensées. J’ai traversé l’enfer. Toi, non. Nous ne sommes plus à l’unisson. C’est trop naturel. (Un silence.)

JULIE, très nerveuse.

Ecoute, Pierre. Si tu as changé, si tu rentres de là-bas ne voulant plus de notre amour, aie le courage de me le dire. J’aurai celui de l’entendre. Moi aussi, j’ai appris quelque chose à l’hôpital, qu’il y a des momens où le couteau est une charité.

VAUCROIX.

Quelle idée, ma pauvre Julie !

JULIE, plus nerveuse encore.

Ne me plains pas, surtout, je ne veux pas être plainte. Je veux être aimée, ou rien. Les femmes qui disputent un cœur qui s’en va d’elles, je ne les comprends pas plus que celles qui font des scènes ou qui se vengent. De même que je n’admets pas que l’on résiste à ses sentimens, je n’admets ni qu’on les feigne, ni qu’on les force. Si je ne voulais plus être ta maîtresse, je te le dirais. Si tu ne veux plus être mon amant, dis-le-moi.

VAUCROIX, se rapprochant d’elle.

Comme tu es émue ! Comme tu es vibrante ! Comme tu es belle !

JULIE.

Alors, si tu me trouves belle, qu’est-ce que tu vas chercher pour te gâter ton bonheur ? Pourquoi ces inquiétudes, ces